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Le principe de précaution, au coeur d'un conflit de juges...

Auteur : CHARLES-NEVEU Brigitte
Publié le : 19/01/2010 19 janvier janv. 01 2010

Le principe de précaution a été introduit par la loi du 02.02.1995 dans le Code Rural, puis en 2000, dans le Code de l’Environnement, nouvellement créé, aux côtés des autres principes directeurs du Droit de l’Environnement.

Grenelle de l'Environnement: quels bâtisseurs pour demain? Entretiens de la Citadelle 2009« L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable »

Le principe de précaution (PP) a été introduit en droit français par la loi du 02.02.1995 (loi Barnier) d’abord dans le Code Rural (article L 200-1), puis en 2000, à l’article L 110-1 du Code de l’Environnement, nouvellement créé, aux côtés des autres principes directeurs du Droit de l’Environnement destinés à encadrer la protection du patrimoine commun et le développement durable : principes de prévention (la frontière est parfois délicate), pollueur-payeur, participation.

La Charte de l’Environnement (2004), adoptée par la loi constitutionnelle du 01.03.2005, coïncide avec l’essor du PP dans le contentieux.

L’invocabilité directe des normes constitutionnelles est consacrée par le Conseil d’Etat (CE Ass. 03.10.2008 Commune d’Annecy - également : Cons. Const. 19.06.2008 n° 2008-564 DC. Pour le PP, déjà admis implicitement par des décisions antérieures : CE 25.09.1998 Greenpeace France n° 194348 ; CE 04.08.2006 Crilan, ass. « Sortir du nucléaire » n° 254948, CE 09.10.2002, Gaucho, n° 233876 ; CE 31.03.2004, UNAF , n°254637, …)

Il convient ici de rappeler la nouvelle possibilité de soulever l’inconstitutionnalité d’une norme inférieure (loi juillet 2008, projet de loi organique 2009) qui ouvre de nouvelles perspectives procédurales.

D’ores et déjà, on assiste à une extension du champ d’application du PP au delà des risques au seul environnement : santé publique, sécurité, consommation, invoqué aussi en droit pénal, droit de la famille, …

Victime de son succès, le PP s’est vu menacé par la Commission pour la libération de la croissance (rapport ATTALI) qui préconisait son retrait de la constitution (refusé par le président de la république) ….

Bien plus qu’une simple norme juridique, le PP a une dimension philosophique, politique, économique, sociologique, qui l’a placé au centre de débats passionnés, opposant scientifiques et juristes, libéraux et protectionnistes,… (sur ce point, voir notamment : www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_vanneuville.pdf)

Le caractère « vague et imprécis » du PP laisse au juge une grande marge d’appréciation et de manœuvre … La place ainsi ménagée, selon les approches, à l’arbitraire ou à la sagesse du juge, a permis de dégager deux courants distincts.

L’examen de la jurisprudence conduit en effet au constat suivant :

- invocation de plus en plus fréquente du PP par les parties : tour à tour, outil d’attaque, de défense, ou instrument de réparation – recours à la théorie du trouble excessif de voisinage, article 8 de la CEDH , …

- divergence de vues entre ordre judiciaire et ordre administratif.

Si pour le juge administratif le principe de précaution doit rester un principe « d’action », accompagnant la décision administrative, sans la brider, le juge judiciaire, quant à lui, a entraîné le principe de précaution sur le terrain de la responsabilité civile, où il n’était manifestement pas attendu …

De sévères critiques s’en sont suivies, amenant Monsieur Christian Gabolde, Conseiller d’Etat à conclure en ces termes : « le discernement, première qualité du juge, doit donc l’inciter à être prudent et à n’appliquer le principe de précaution … qu’avec précaution . »





Cet article n'engage que son auteur.

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