Déchéance de nationalité: sur le projet du gouvernement
Auteur : NEVEU Pascal
Publié le :
02/02/2016
02
février
févr.
02
2016
On peut d’abord se demander pour quelle raison le Gouvernement a choisi de procéder à une réforme constitutionnelle alors que, semble-t-il, une loi ordinaire aurait suffit ? Le Code Civil, prévoit déjà de nombreux cas de perte de nationalité et qui, bien que tombés en désuétude, auraient pu être réactivés et actualisés.
*** Lire l'introduction de l'article Déchéance de nationalité : le grand « tohu-bohu » ***
Le Gouvernement entend présenter aux deux assemblées, un projet de Loi de révision constitutionnelle qui prévoit dans son article 2, objet de ce grand tumulte, la disposition suivante :
Après l’article 3 de la Constitution, il est institué un article 3-1 ainsi rédigé :
Article 3-1 : un français qui a également une autre nationalité, peut, dans les conditions fixées par la Loi, être déchu de la nationalité française, lorsqu’il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
On relève immédiatement que le texte renvoie à des conditions fixées par une loi qui n’est pas connue et qu’en conséquence, un débat sur les conditions d’application de la mesure apparait prématuré, mais il demeure dans la discussion le principe de la déchéance qui serait étendue à tous les binationaux, quel que soit le mode d’acquisition de la nationalité française, les autres (français mono-nationaux) étant exclus pour des raisons qui seront débattues plus loin[1].
On peut d’abord se demander pour quelle raison le Gouvernement a choisi de procéder à une réforme constitutionnelle alors que, semble-t-il, une loi ordinaire aurait suffit ?
Le Code Civil, prévoit déjà de nombreux cas de perte de nationalité – qui ont été évoqués supra – et qui, bien que tombés en désuétude, auraient pu être réactivés et actualisés.
Le choix d’une révision constitutionnelle est donc douteux et d’un maniement politique délicat, car il exige une majorité renforcée dont le Gouvernement ne dispose pas actuellement.
De plus, il ne répond à aucune raison technique, contrairement à la réforme de « l’état d’urgence », introduite sous le titre « Protection de la Nation », mais il a été validé « a postériori » par le Conseil d’État.
Il faut ici rappeler que préalablement à la présentation de ce texte aux Assemblées, le Gouvernement a consulté le Conseil d’État, qui a rendu un avis le 22 décembre 2015.
Il indique que la mesure de déchéance de la nationalité, même limitée aux bi-nationaux « pourrait se heurter à un éventuel principe fondamental reconnu par les Lois de la République, interdisant de priver les français de naissance de leur nationalité », confirmant donc le Gouvernement dans son choix.
Si l’on reste sur sa faim sur la « nature du principe fondamental reconnu par les lois de la République » qui serait enfreint, le Conseil d’État a néanmoins émis un avis favorable sur la mesure qui lui est apparue justifiée, car elle visait « à sanctionner les auteurs d’infractions si graves qu’ils ne méritent plus d’appartenir à la communauté nationale », piégeant en quelque sorte le Gouvernement, dont on prétend qu’il aurait souhaité une autre réponse.
Celui-ci est donc mis en demeure de mettre en œuvre la mesure proposée.
On peut s’étonner de l’audace de cet avis qui rénove (ou restaure ?) l’idée que l’on peut se faire de la nationalité, laquelle ne serait pas subie par l’effet de la naissance, de la filiation ou du sol, mais dépendrait d’un choix se traduisant par un comportement d’adhésion à la communauté nationale.
En énonçant cela, le Conseil Constitutionnel rejoint parfaitement le sentiment majoritaire des français.
Index:
[1] Cet article semble avoir été rectifié depuis puisqu’il ne ferait plus référence aux binationaux – présentation en Commission des lois le 27/01/2016
Cet article n'engage que son auteur.
Historique
-
Convocation de l’assemblée générale par tout copropriétaire aux fins de nommer un syndic
Publié le : 06/04/2016 06 avril avr. 04 2016Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / CopropriétéL’article 88-I-2° de la loi Macron a modifié l’article 17 de la loi du 10 jui...
-
Déchéance de nationalité : le grand « tohu-bohu »
Publié le : 02/02/2016 02 février févr. 02 2016Actualités du cabinetParticuliers / Famille / Mariage / PACS / Concubinage / Vie civileA la fin 2015, alors que chacun aspirait à un peu de repos après les événemen...
-
Comment la nationalité française s’acquiert, s’obtient ou se perd?
Publié le : 02/02/2016 02 février févr. 02 2016Actualités du cabinetParticuliers / Famille / Mariage / PACS / Concubinage / Vie civileLa question est loin d’être simple, car il y a de nombreuses façons de bénéfi...
-
Déchéance de nationalité: sur le projet du gouvernement
Publié le : 02/02/2016 02 février févr. 02 2016Actualités du cabinetParticuliers / Famille / Mariage / PACS / Concubinage / Vie civileOn peut d’abord se demander pour quelle raison le Gouvernement a choisi de pr...
-
La déchéance de la nationalité est-elle une mesure juste ?
Publié le : 02/02/2016 02 février févr. 02 2016Actualités du cabinetParticuliers / Famille / Mariage / PACS / Concubinage / Vie civileCette question est évidemment très délicate car la perception du juste ou de...
-
La déchéance de la nationalité est-elle une mesure utile ? Est-elle suffisante ?
Publié le : 02/02/2016 02 février févr. 02 2016Actualités du cabinetParticuliers / Famille / Mariage / PACS / Concubinage / Vie civileLe constat que cette mesure ne soit pas dissuasive pour des terroristes qui a...
-
Bail d'habitation: pas de droit au maintien dans les lieux pour les enfants majeurs
Publié le : 01/02/2016 01 février févr. 02 2016Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementTraversant les époques pour faire appliquer la législation antérieure au 6 ju...
-
La dignité humaine protectrice
Publié le : 04/09/2015 04 septembre sept. 09 2015Actualités du cabinetCollectivités / Environnement / Principes générauxLa fonction protectrice du recours à la notion de dignité humaine pose princi...
-
La concentration des moyens devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)
Publié le : 19/05/2015 19 mai mai 05 2015Actualités du cabinetCollectivités / International / Droit Européen / Droit communautaireLa position de la CEDH sur le principe prétorien de concentration des moyens...
-
Le fait d'être propriétaire de sa résidence principale n'est pas un obstacle à l'ouverture d'une procédure de surendettement
Publié le : 27/03/2015 27 mars mars 03 2015Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / GestionLa 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation est venue mettre un terme à un...
-
Fonds de commerce et domaine public
Publié le : 13/11/2014 13 novembre nov. 11 2014Actualités du cabinetCollectivités / Urbanisme / Ouvrages et travaux publics/ConstructionLa jurisprudence tant administrative que judiciaire s’est toujours accordée à...
-
Contentieux de la péremption et péremption du permis de construire
Publié le : 11/09/2014 11 septembre sept. 09 2014Actualités du cabinetCollectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeLes recours relatifs à la péremption d’un permis doivent être considérés comm...
-
La complexité des documents d'urbanisme
Publié le : 23/07/2014 23 juillet juil. 07 2014Actualités du cabinetCollectivités / Urbanisme / Permis de construire/ Documents d'urbanismeTexte de l'intervention de Brigitte CHARLES-NEVEU dans le cadre de la Commiss...
-
Les antennes-relais de téléphonie mobile dans la Copropriété
Publié le : 14/03/2014 14 mars mars 03 2014Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / CopropriétéLes dernières décennies ont vu se développer les technologies des réseaux san...
-
Affaire Tapie: la décision d’arbitrage était-elle acceptable ?
Publié le : 09/01/2014 09 janvier janv. 01 2014Actualités du cabinetEntreprises / Contentieux / Justice commercialeCette question est volontairement mal posée car une sentence arbitrale, comme...