Aménagement des règles régissant la procédure en matière familiale
Auteur : CHARLES-NEVEU Brigitte
Publié le :
14/04/2010
14
avril
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04
2010
Le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles traduit à nouveau la volonté de réduire l’activité juridictionnelle.
Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnellesProjet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.
Le projet de loi traduit à nouveau la volonté de réduire l’activité juridictionnelle - mouvement largement amorcé par les dernières réformes - alors même qu’un recul constant du contentieux judiciaire a été relevé depuis 1997 (cf. rapport au Sénat sur l’activité civile des TGI sur www.senat.fr).
Ce constat s’impose tout particulièrement en ce qui concerne le chapitre VI « aménagement des règles régissant la procédure en matière familiale » comportant les articles 13 à 15 du projet.
I – Dispositions relatives à la procédure de divorce par consentement mutuel
Inspiré des préconisations du rapport GUINCHARD, l’article 13 du projet prévoit de modifier l’actuel article 250 du Code Civil comme suit :
La demande en divorce est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d'un commun accord.
Si les époux ont un ou plusieurs enfants mineurs communs, le juge examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.
En l’absence d’enfant mineur commun, le juge ordonne la comparution des époux s’il l’estime nécessaire. La comparution est de droit à la demande de l’un ou de l’autre des époux.
Ainsi, le régime actuel de comparution ne sera maintenu que si les époux ont un ou plusieurs enfants mineurs communs.
Il ne s’appliquera donc pas en présence d’enfants majeurs à charge (poursuivant des études), alors même qu’il n’y a guère de différence entre la situation d’un lycéen de 17 ans et celle d’un étudiant de 18 ou 19 ans ...
La minorité s’appréciera t-elle à la date de signature des conventions ou à celle de l’enregistrement par le greffe de la demande de divorce ?
En l’absence d’enfant mineur commun, le juge pourra ordonner la comparution des époux s’il l’estime nécessaire, c'est-à-dire, probablement, si la convention qui lui est soumise ne lui parait pas garantir suffisamment les droits d’un conjoint, ou s’il a un doute sur le consentement d’un époux ?
En revanche, la comparution est de droit à la demande de l’un ou l’autre des époux …
Le décret d’application précisera quant et comment cette demande doit être formulée.
Sans doute de nombreux divorces sont demandés par des époux jeunes au bout d’un temps relativement bref (cf. étude d’impact) pour lesquels il peut sembler superflu d’avoir à se déplacer pour reprendre une liberté imprudemment aliénée …
La dimension sociologique ne peut toutefois être éludée : le caractère purement administratif du divorce sans comparution ne sera peut-être pas sans influence sur la conception même de l’institution du mariage.
Il ne faut pas cependant se méprendre sur l’objectif de la réforme, qui tend ouvertement à alléger le travail des juges et des greffiers (cf. étude d’impact) en les dispensant d’avoir à auditionner les époux, plutôt qu’à dispenser les époux d’avoir à comparaître devant un juge.
L’exposé des motifs annonce que les pièces nécessaires permettant au juge de vérifier que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé seront précisées par le décret d’application.
La présence de l’avocat (commun ou pour chaque époux) sous la responsabilité duquel la convention a été établie ne constitue donc pas une garantie suffisante. Peut-être le décret prévoira t-il que le consentement des époux devra être recueilli préalablement par un notaire ?!
Enfin, l’article 250-2 aux termes duquel En cas de refus d'homologation de la convention, le juge peut cependant homologuer les mesures provisoires au sens des articles 254 et 255 que les parties s'accordent à prendre jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce passe en force de chose jugée, sous réserve qu'elles soient conformes à l'intérêt du ou des enfants. Une nouvelle convention peut alors être présentée par les époux dans un délai maximum de six mois.
Est complété par l’alinéa suivant :
Le refus d’homologation ne peut intervenir qu’après comparution des époux.
Ainsi, dans le cas d’époux sans enfants mineurs - donc dispensés de comparution - le juge qui envisage de refuser d’homologuer la convention devra les convoquer.
Il est prévisible que c’est au jour fixé pour l’audience d’homologation - où les avocats seront seuls présents- que le juge les informera de la difficulté et renverra l’affaire à une autre date pour comparution des époux, ce qui entraînerait une perte de temps,
A moins qu’il soit possible de modifier entre temps la convention sur les points litigieux ce qui implique que le juge avise les avocats avant de fixer l’audience …
II – Dispositions relatives aux honoraires des avocats
Le rapport GUINCHARD s’est inquiété d’une transparence insuffisante du montant des honoraires pratiqués par les avocats en matière de divorce et préconise le recours obligatoire à la convention d’honoraires, de même que l’affichage des honoraires pratiqués … cette dernière recommandation apparaissant redondante avec l’obligation existante issue du Code de la Consommation.
Aussi, l’article 14 du projet prévoit-il de compléter l’article 10 de la loi du 31.12.1971 aux termes duquel la tarification de la postulation et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile. Les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.
Comme suit : « Pour les procédures de divorce par consentement mutuel, l'avocat ne peut demander, sauf convention conclue avec son client préalablement au début de la mission, un honoraire supérieur au montant fixé par arrêté du garde des sceaux, après avis du Conseil national des barreaux. »
Dans l’ignorance de la teneur de l’arrêté qui sera pris à ce titre, il est difficile de se faire une opinion.
C’est toutefois la première atteinte véritablement portée au principe de l’honoraire libre …
L’exposé des motifs présuppose qu’elle n’est pas contraire à la jurisprudence de la CJCE (aujourd’hui CJUE). Est-ce bien sûr ?…
Il reste que la pression exercée sur les avocats pour les contraindre à faire signer des conventions d’honoraires par leurs clients ne cesse de s’amplifier. Passer du temps à élaborer de telles conventions et à convaincre le client de les signer, fait désormais irrémédiablement partie du travail de l’avocat …
III – Dispositions relatives à la médiation familiale
L’article 15 du projet constitue une disposition « expérimentale », comme cela se pratique désormais couramment.
Il prévoit : A titre expérimental et jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la publication de la présente loi, dans les tribunaux de grande instance déterminés par un arrêté du garde des sceaux, les dispositions suivantes sont applicables, par dérogation à l'article 373-2-13 du code civil. Les décisions fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non. Toutefois, à peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d'une tentative de médiation familiale, sauf : 1° Si les parents sollicitent conjointement l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du code civil ; 2° Si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime. Six mois au moins avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation en vue de décider de sa généralisation, de son adaptation ou de son abandon.
Cette disposition s’inscrit dans le mouvement général de limitation de l’intervention judiciaire par l’instauration de formalités préalables - comme ce fut notamment le cas pour l’obligation d’assigner devant le JEX (décret du 18.12.1996), pour le passage préalable par un notaire instauré par la loi du 12 mai 2009 en matière de vente de l’immeuble indivis, ou encore, par la multiplication des RAPO (recours administratifs préalables obligatoires) comme le suggère le rapport du Conseil d’Etat 2008 – voire d’évitement (par exemple, réforme de la procédure de changement de régimes matrimonial désormais dévolue principalement au notaire).
Nombreux sont les exemples d’obstacles dissuasifs imposés entre les justiciables et le juge (le principe dit « de concentration des moyens » en est un autre) ! Curieuse façon d’appréhender le principe européen de l’accès au juge …
Le coût de la médiation serait pris en charge par l’Etat quelle que soit la situation des parties.
Les auditions seraient limitées à trois.
La médiation préalable conditionne la recevabilité de la demande ; l’étape est donc incontournable, sauf accord des parents sur la modification sollicitée ou motif légitime.
Qu’est ce qu’un motif légitime ? La conviction que tout dialogue est rompu entre les parents, que toute tentative de rapprochement est vouée à l’échec, et que la médiation ne sera qu’une perte de temps inutile ?
Enfin, quelle place pour l’Avocat ?
Dispositions transitoires :
Les articles susvisés ne seraient pas applicables aux procédures en cours.
Ils rentreraient en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la publication de la loi (sauf l’article 15 dont l’alinéa 1er détermine les modalités spécifiques d’entrée en vigueur)
En conclusion,
L’étude d’impact nous apprend les substantielles économies attendues du projet de réforme par une passionnante analyse des ETPT (Equivalent Temps Plein Travaillé= unité de décompte des plafonds d’emploi et de leur consommation), soit :
Temps de traitement actuel des dossiers par le juge : 45 minutes (par dossier)
Temps de traitement après réforme : 20 minutes, soit un gain de 7 ETPT !
Pour le greffe (avec un taux d’absentéisme de 8%), temps actuel : 130 minutes
Temps après réforme : 60 minutes, soit un gain de 20 ETPT !
Pour le législateur, l’esprit général de la réforme tend à améliorer les droits fondamentaux du justiciable, notamment par un meilleur accès à la justice …
La déjudiciarisation est devenue un outil d’amélioration de l’accès au juge par réduction de son office. Il suffisait d’y penser.
Cet article n'engage que son auteur.
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