La Copropriété ne peut être représentée que par un seul et unique Syndic pour chaque mandat
Auteur : BROGINI Benoît
Publié le :
25/10/2016
25
octobre
oct.
10
2016
La 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation est venue consacrer un principe que l’on aurait pu penser acquis puisque tellement logique, mais qui, apparemment, nécessitait tout de même une confirmation de la Cour.
3ème Chambre Civile 22 septembre 2016, n°15-13896
Les faits sont très simples et, malheureusement, fort courants. Une copropriété, composée de trois lots, ne souhaite pas désigner de Syndic professionnel, vue la taille extrêmement réduite des parties communes, se limitant, selon les membres du Syndicat aux « murs et à un compteur d’eau » (il n’y aurait donc pas de toit à cet immeuble ?). La solution paraissant la plus évidente et la moins coûteuse pour les trois copropriétaires est donc de désigner un Syndic bénévole choisi parmi eux. Une résolution, assez particulière, est donc adoptée à l’unanimité : « les copropriétaires décident de gérer eux-mêmes la copropriété étant donné qu’elle ne dispose d’aucune partie commune à l’exception des murs et d’un compteur d’eau » que « Madame Y et Monsieur X étant sur place, s’occupent de faire établir les devis en cas de travaux et que en réunion, les copropriétaires prendront les décisions qui s’imposent ensemble » et, enfin, « pour les règlements, les copropriétaires règleront directement au prorata de leurs tantièmes les sociétés qui réaliseront les travaux. » Cette solution, extrêmement bancale, peut fonctionner, tant bien que mal, dès lors qu’aucun litige ne se crée entre les copropriétaires ou entre le Syndicat et des intervenants extérieurs. Mais la vie d’une copropriété, si petite soit-elle, reste tout de même jalonnée d’incidents. Courant 2009, suite à la réfection de la façade, des malfaçons ont été commises par l’entreprise en charge des travaux nécessitant une intervention judiciaire de la copropriété, dans le cadre d’une procédure très classique en droit de la construction. L’assemblée générale des copropriétaires, convoquée très vraisemblablement en toute illégalité, vote à nouveau une résolution fort étonnante, délibérant sur « les pouvoirs à donner aux Syndics à l’effet d’introduire une procédure contre la Société. » La résolution, votée à l’unanimité, est la suivante : « les copropriétaires donnent pouvoirs nécessaires à Messieurs Y et X, es-qualités, à l’effet d’introduire devant le Tribunal de Grande Instance de Reims une procédure visant à mettre en cause la responsabilité de la Société au regard des malfaçons et désordres constatés dans le cadre de la réfection extérieure de l’immeuble, mandater tout avocat, et plus généralement, faire le nécessaire. » La Société mise en cause soulève une fin de non recevoir, arguant du défaut de qualité à agir de Monsieur X, le seul à avoir été désigné comme Syndic bénévole dans les actes introductifs d’instance, au motif que l’Assemblée a désigné Monsieur X et Monsieur Y, ce qui est un défaut de désignation ne leur permettant pas d’être Syndic bénévole. La Cour d’Appel saisie déboute la Société de son irrecevabilité considérant que le Syndicat pouvait valablement désigner deux copropriétaires aux fonctions de Syndic bénévole, retenant que le vote fut fait à l’unanimité et que les résolutions successives avaient un objet parfaitement déterminé, permettant aux copropriétaires de voter en pleine connaissance des choses. Qu’en conséquence, l’habilitation des Syndics était donc valide.
La Cour de Cassation casse cet arrêt en constatant que l’article 17 de la Loi de 1965 précise que « les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires ; leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d'un conseil syndical. » La Cour, prenant appui sur cet article, consacre donc le principe selon lequel le Syndicat est représenté par un seul et unique Syndic et que toute violation de ce principe entraîne donc l’irrecevabilité de toute action entreprise par le Syndic par la suite, et ce, même en l’absence de contestation de l’AG ayant désigné plusieurs personnes en tant que syndic. La Cour complète sa décision en précisant également que le fait que Monsieur X soit la seule personne désignée comme syndic de la copropriété est également une cause de cassation de l’arrêt, puisque ce sont Monsieur X et Monsieur Y qui ont été investis de ce pouvoir, le Syndicat ne pouvant donc être valablement représenté en justice que par les deux copropriétaires agissant de concert. En effet, l’article 55 du décret de 1967 précise que le Syndic ne peut agir en Justice au nom du Syndicat qu’après avoir été autorisé en AG, or, ce sont bien Monsieur Y et Monsieur X qui ont été autorisés à agir, et non pas seulement Monsieur X. En conséquence, l’absence de Monsieur Y rend nul l’acte introductif d’instance.
Les copropriétaires sont donc dans une impasse, puisque si un seul des deux Syndics bénévoles est mentionné dans l’assignation, en ce cas, le Syndicat n’est pas valablement représenté, l’article 55 du décret de 1967 étant violé, mais si les deux Syndics apparaissent sur l’acte, alors leur désignation viole l’article 17 de la loi de 1965 et ne peut être prise en compte, ce qui, dans les deux cas, entraîne un défaut de qualité à agir et une irrecevabilité de l’assignation. Cette irrecevabilité a des conséquences dramatiques dans le cas d’espèce, puisque la responsabilité recherchée n’est pas fondée sur la garantie décennale des constructeurs, les sinistres étant des malfaçons sur un ravalement de façade, mais sur la garantie contractuelle de la Société requise.
L’acte introductif d’instance datant de 2009 et l’irrecevabilité étant consacrée en 2016, supprimant toute interruption ou suspension de prescription, les actions à l’encontre de la Société risquent désormais d’être prescrites, ne laissant plus de solution aux Copropriétaires à l’exception de la recherche de responsabilité des deux syndics bénévoles. Cet article n'engage que son auteur.
Historique
-
Sur les déclarations de patrimoine des candidats à l’élection présidentielle - La transparence n'est rien sans la clarté
Publié le : 19/04/2017 19 avril avr. 04 2017Actualités du cabinetCollectivités / Contentieux / Responsabilité civile et pénale de l'élu(Quelques réflexions impertinentes sur les déclarations de patrimoine des ca...
-
La rémunération des élus et du personnel politique : état des lieux, quelles réformes ?
Publié le : 28/02/2017 28 février févr. 02 2017Actualités du cabinetCollectivités / Contentieux / Responsabilité civile et pénale de l'éluLe Juge et le Politique Pour lire la première partie de l'article de Pasca...
-
Sur le parquet financier et le "délit d'emploi fictif"
Publié le : 28/02/2017 28 février févr. 02 2017Actualités du cabinetCollectivités / Contentieux / Responsabilité civile et pénale de l'éluLe Juge et le Politique Le juge et le Politique ont toujours eu des rapports...
-
TASCOM – Le Tribunal administratif de Nice part en résistance
Publié le : 14/02/2017 14 février févr. 02 2017Actualités du cabinetCollectivités / Finances locales / Fiscalité/ Gestion de fait/ Chambre des ComptesLe jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 20 décembre 2016 est...
-
L’acquisition et la détention d’armes à feu ou d’armes blanches
Publié le : 05/01/2017 05 janvier janv. 01 2017Actualités du cabinetParticuliers / Civil / Pénal / Procédure pénale / Procédure civileLes tragiques attentats terroristes survenus en France ont poussé de nombreux...
-
Droit de rétractation et professionnels
Publié le : 28/12/2016 28 décembre déc. 12 2016Actualités du cabinetEntreprises / Marketing et ventes / Contrats commerciaux/ distributionA propos du jugement du Tribunal de Commerce de Nice du 4 novembre 2016 RG n°...
-
La justice administrative de demain
Publié le : 22/11/2016 22 novembre nov. 11 2016Actualités du cabinetCollectivités / Contentieux / Tribunal administratif/ Procédure administrativeEn novembre 2015, le groupe de travail « Pour la justice administrative de de...
-
Le juge, la crèche et la laïcité
Publié le : 16/11/2016 16 novembre nov. 11 2016Actualités du cabinetCollectivités / Services publics / Service public / Délégation de service publicUne crèche de Noël est-elle un signe ou emblème religieux dont l’installation...
-
Agent Immobilier : Sans mandat, aucune rémunération n’est due
Publié le : 27/10/2016 27 octobre oct. 10 2016Actualités du cabinetEntreprises / Marketing et ventes / Contrats commerciaux/ distributionLa Cour de Cassation est saisie dans le cas d’espèce suite à une décision ren...
-
Seul le bailleur personne physique est dispensé de reloger le locataire âgé
Publié le : 26/10/2016 26 octobre oct. 10 2016Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementLa SCI, même familiale, ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’articl...
-
La Copropriété ne peut être représentée que par un seul et unique Syndic pour chaque mandat
Publié le : 25/10/2016 25 octobre oct. 10 2016Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / CopropriétéLa 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation est venue consacrer un princip...
-
Concurrence entre agences immobilières et absence d'exclusivité
Publié le : 01/06/2016 01 juin juin 06 2016Actualités du cabinetEntreprises / Marketing et ventes / ConcurrenceLa Cour de Cassation, dans son arrêt du 6 avril 2016 n°15-14631, confirme l’a...
-
Une piscine semi-enterrée constitue un élément bâti qui doit être pris en compte dans le calcul de la taxe foncière
Publié le : 31/05/2016 31 mai mai 05 2016Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / FiscalitéLe Conseil d’Etat, dans son arrêt du 13 avril 2016, n°376959, a confirmé le J...
-
La faute de l’agent immobilier rédacteur d’acte : révision de sa rémunération et responsabilité délictuelle
Publié le : 28/04/2016 28 avril avr. 04 2016Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementLa 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation a rendu, le 14 janvier 2016, u...
-
L’omission des procédures en cours dans l’état daté du Syndic : le préjudice qui en découle est la perte d’une chance de négocier le prix d’achat du bien
Publié le : 25/04/2016 25 avril avr. 04 2016Actualités du cabinetParticuliers / Patrimoine / CopropriétéLors de la vente d’un lot de copropriété, l’article 5 du décret du 17 mars 19...