La Saga Tapie (suite et peut-être enfin … fin ?) Les démêlés d’un « sauveur d’entreprise » confronté désormais à une procédure de liquidation judiciaire
Auteurs : BOTTIN Matthieu, NEVEU Pascal
Publié le :
25/05/2020
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Sixième partie : La réponse du Tribunal de commerce de Bobigny Dernier épisode en date du feuilleton qui se concentre désormais sur la procédure collective des sociétés TAPIE après que l’attention se soit polarisée essentiellement sur le volet pénal de l’affaire qui a abouti à une décision de relaxe aussi spectaculaire qu’inattendue, désormais en appel.
Pour une vision plus large de cette affaire, on renverra le lecteur aux cinq précédents articles écrits sur ce sujet[1].
On rappellera simplement qu’à l’origine une procédure de sauvegarde avait été ouverte devant le Tribunal de commerce de Paris le 30 novembre 2015 à la demande des sociétés du groupe TAPIE à la suite de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 3 décembre 2015 qui les avait condamnés à restituer les sommes perçues au titre de l’arbitrage annulé (404 millions d’euros).
Cette procédure collective, à l’issue de nombreuses péripéties, a été délocalisée au Tribunal de commerce de Bobigny qui a rendu un dernier jugement le 30 avril 2020, prononçant, comme il fallait s’y attendre, la liquidation judiciaire des sociétés TAPIE.
Avant de commenter ce jugement, il est souhaitable de revenir au préalable sur la décision de la Cour de cassation du 9 juillet 2019 rendu dans le cadre de la procédure de sauvegarde (1°) puis sur le contenu du « nouveau » plan de redressement présenté par les sociétés de Bernard TAPIE devant ce tribunal en rappelant les difficultés auxquelles se heurtaient son admission (2°). Dans une dernière partie, on examinera la motivation du nouveau jugement rendu le 30 avril 2020 (3°). 1°) Les leçons de l’arrêt de la Cour de cassation Il faut rappeler que le même jour où la décision de relaxe (soit le 9 juillet 2019) est intervenu au pénal, une autre décision, qui a été beaucoup moins médiatisée, a été rendue par la Cour de cassation sur le sort de la procédure de sauvegarde ouverte à l’origine.
En effet, ce jour-là, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par les sociétés TAPIE à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 avril 2018 qui avait rejeté le plan de sauvegarde[2].
Cet arrêt donne un éclairage pertinent sur l’impasse économique et financière dans laquelle se trouve ces sociétés aujourd’hui en liquidation judiciaire.
En effet, ces sociétés n’ont aucune activité économique directe. La première détient le patrimoine personnel des époux TAPIE, la seconde leurs participations dans quelques sociétés opérationnelles.
La Cour de cassation a donc approuvé la décision de la Cour d’appel qui avait retenu que les sociétés débitrices ne disposaient pas de rentrée d’argent frais immédiat puisque ces liquidités (présentées comme telles) faisaient l’objet d’une ou plusieurs saisies pénales dont l’issue n’est pas prévisible avec certitude dans les délais du plan (et encore aujourd’hui en l’état du jugement de relaxe qui a été frappé d’appel).
De plus, la Cour de cassation a confirmé le raisonnement de la Cour d’appel qui avait relevé que le plan ne prévoyait aucune cession d’actif pouvant pallier à ce manque de liquidités pour en conclure que « le plan de sauvegarde présenté souffrait d’un défaut de financement et que la probabilité d’une exécution n’apparaissait pas sérieuse ».
Pour être complet, il faut rajouter que le même jour (9 juillet 2019) la Cour de cassation a rendu une autre décision liée à cette affaire. Celle-ci est intervenue à propos de la SNC DOLOL (détenue à 99% par Madame TAPIE et pour 1% par leur fils Laurent).
Il faut rappeler que cette société avait acquis un hôtel particulier à Neuilly au moyen d’un prêt de la banque AXA (1,8 million) non remboursé qui avait justifié le placement de cette société en procédure de sauvegarde.
Cet actif immobilier, valorisé à 16,3 millions d’euros, a été par la suite intégré au projet de plan présenté pour le compte des sociétés FIBT et GBT.
Invraisemblable affaire dans laquelle le Trésor Public cherche a récupérer auprès des époux TAPIE une créance fiscale de 30 millions d’euros (impôt sur le revenu et ISF) et qui a obtenu que le bien soit réintégré dans le patrimoine de Madame TAPIE en soutenant que cette acquisition était le fruit d’une simulation frauduleuse. Pour tenter d’y faire échec, Madame TAPIE a ouvert une procédure de sauvegarde et même obtenu un plan du Tribunal de commerce de Paris.
Toutefois cette décision a été réformée par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 avril 2018. C’est donc sur un pourvoi de Madame TAPIE qu’est intervenu un arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet (Cass. com., 9 juil. 2019, n°18.17799). La Cour de cassation rejette donc ce second pourvoi en s’appuyant sur l’arrêt précédent (Cass. com., 9 juil. 2019, n°18-17.129) approuvant au passage le raisonnement de la Cour d’appel qui avait jugé « les engagements de financement pris par GBT et FIBT dans l’intérêt de DOLOL manquent de pertinence dès lors que ces sociétés sont elles-mêmes sous procédures de sauvegarde et confrontées à des passifs déclarés très importants et ne démontrent pas leur capacité à financer leur propre plan dans les délais impartis ».
Autrement dit, la Cour de cassation persiste et signe sur l’impasse économique et financier des plans présentés.
2°) Le « nouveau » plan de redressement présenté devant le Tribunal de commerce de Bobigny Il est donc intéressant d’examiner le « nouveau » plan de redressement présenté par les sociétés TAPIE au regard des critiques qui avaient abouti au rejet du plan de sauvegarde.
On rappellera qu’un plan de redressement doit comprendre plusieurs thématiques : un volet économique, un volet social et enfin un volet concernant l’apurement du passif sur la durée du plan proposée ce qui impose de justifier de son financement.
Or, le « nouveau » plan de redressement déposé au greffe du Tribunal de commerce de Bobigny par les sociétés TAPIE le 2 juillet 2019, à le supposer recevable, ne semblait répondre à aucune de ces exigences puisqu’il est au mieux purement liquidatif. a°) Sur le plan économique
- La société FIBT
Il s’agit d’une simple société de façade qui est détenu à 99% par son gérant, Monsieur Bernard TAPIE qui se trouve à titre personnel en liquidation judiciaire depuis plus de 20 ans[3] et pour 1% par son épouse, qui est-elle in bonis, (la précédente liquidation de la société FIBT ayant été rétractée[4]).
De surcroît, les parts sociales des époux TAPIE font l’objet d’une saisie pénale depuis le 25 octobre 2013. Le jugement de relaxe ne s’est pas prononcé sur la demande de mainlevée qui était demandée car la relaxe l’emportait de plein droit. Mais l’appel du Parquet, intervenu quelques jours plus tard, a suspendu tous les effets de ce jugement emportant les espoirs que le dirigeant avait pu nourrir à ce sujet.
- La société GBT
Mais cette situation s’est encore obscurcie depuis pour les raisons qui suivent.
La société GBT est détenue à hauteur de 98,98% par une société holding GBT domicilié en Belgique. Or, cette société holding a été elle-même mise en liquidation judiciaire par le Tribunal de commerce de Liège depuis le 17 avril 2018. Cette dernière société holding est aujourd’hui dissoute et représentée par son liquidateur, Maitre Roman AYDOGDU.
Il est clair que ce liquidateur belge a son mot à dire sur le sort que le Tribunal de commerce de Bobigny doit arrêter au profit de la société GBT. Mais la situation se révèle encore plus complexe puisque par un jugement rendu le 30 novembre 2016, le Tribunal de commerce de Paris avait déclaré inopposable à la procédure collective l’apport fait par son dirigeant, Bernard TAPIE, à cette holding et ordonné sa réunion à l’actif de la procédure.
Cette situation assez inédite montre, qu’après avoir ouvert une procédure de sauvegarde en décembre 2015, Bernard TAPIE a apporté à une société holding belge les participations de sa société française sans en informer les organes de la procédure collective, ce qui a abouti à ce jugement d’inopposabilité.
Ce précédent jette une nouvelle ombre sur le comportement du dirigeant qui doit interpeller le Tribunal de commerce de Bobigny saisi d’un plan de continuation par celui-ci.
En tout état de cause, les sociétés FIBT et GBT sont dans une situation juridique extrêmement fragile et on a dû mal à imaginer qu’elles puissent sérieusement présenter un plan de redressement sur une durée de 6 ans compte tenu de cet aléa judiciaire.
D’ailleurs, comment arrêter un plan commun à ces deux sociétés, dont les parts de la première font l’objet d’une saisie pénale, et, les part de la seconde sont détenue par une société dissoute ?
Le gérant dispose-t-il encore de pouvoir de direction et de gestion dans une telle situation alors et surtout qu’il est personnellement en liquidation judiciaire depuis 20 ans… ?
Quid, enfin, du volet social puisque ces deux sociétés n’emploient aucun salarié ?
- Sur le plan de l’apurement du passif
- Le passif pris en compte
Le passif déclaré est donc de l’ordre de 2 milliards d’euros et comprend les créances déclarées par le CDR qui s’élèvent à elles seules à 439.476.909 euros mais aussi les créances déclarées par les impôts 405.623.083 euros et par les mandataires à 960.454.281 euros.
Il est vrai que toutes ces sommes peuvent être rattachées à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 3 décembre 2015 ayant ordonné les restitutions et qu’elles ne s’additionnent pas nécessairement.
Mais, il y a aussi de nombreuses créances qui ont été déclarées par suite d’autres contentieux[7].
Si l’on se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation[8], cette approche est irrégulière puisqu’elle pose la règle que le plan de continuation doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées.
Certes les praticiens des procédures collectives prennent quelques libertés avec ce principe jugé « un peu dogmatique »[9] et opèrent souvent un « retraitement » du passif.
Mais ce « retraitement » doit être limité (aux seules créances manifestement infondées ou faisant à l’évidence double emploi) mais pas étendu à toutes les créances contestées.
Le plan présenté apparaissait déjà pour cette seule raison se heurter à un problème de recevabilité.
- L’impasse du financement
Le montant des actifs permettant de financer le plan est estimé par le débiteur à 442.035.118 euros ce qui serait en rapport avec le passif traité pris en compte.
Mais l’expertise judiciaire qui avait été ordonnée pour estimer ces actifs n’avait jamais été conduite. De plus, ces actifs sont actuellement indisponibles (les liquidités, soit 70.198.000 euros, ont fait l’objet d’une saisie pénale, les actifs immobiliers sont dans la même situation et leur sort dépend de diverses instances en cours).
Or, la première échéance du projet de plan proposé à hauteur 23.055.797 euros (soit 5% minimum légal) doit être financé par la mainlevée de la saisie pénale…
Certes le jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 9 juillet 2019 a prononcé une relaxe mais on a déjà souligné que l’appel du ministère public a un effet suspensif.
Sans doute convient-il aussi d’ajouter que les actifs saisis peuvent apparaître au moins pour partie comme le produit direct ou indirect des infractions poursuivies, ce qui ferait obstacle à toute restitution immédiate.
De plus, le comportement du dirigeant interpelle puisque Bernard TAPIE semble avoir agi, après avoir obtenu son plan de sauvegarde, dans le but de faire échapper à l’actif de la procédure collective ses participations en les apportant à une holding en Belgique.
Ce précédent semble donc à lui seul condamner toute nouvelle expérience d’un plan de redressement confié à la gestion d’un dirigeant en liquidation personnelle depuis près de 20 ans…
3°) Sur l’analyse du jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 30 avril 2020 Au préalable, on rappellera brièvement la position des mandataires qui étaient, comme on peut l’imaginer aisément, assez « frileuse » à l’égard de l’adoption de ce plan.
Ainsi, l’administrateur judiciaire a indiqué « ne pas s’associer à la présentation du plan soutenu par monsieur TAPIE et ses conseils » ajoutant pour justifier sa position que « le projet de plan présenté n’est pas fondamentalement différent de ceux qui ont été déjà rejetés, qu’une expertise de la valeur des actifs demandée en 2016 est restée lettre morte et qu’aucune cession n’est intervenue depuis quatre ans ».
Le tribunal a également entendu l’administrateur belge, monsieur Romain AYDOGDU, qui avait été, il faut le rappeler, désigné à la suite de la dissolution de la société GBT HOLDING.
Si ce dernier ne s’est pas opposé au plan présenté mais a également souligné « qu’aucun actif n’avait été réalisé depuis trois ans et demi ».
Le mandataire judiciaire, tout en retenant le chiffre du passif présenté par le débiteur, soit 461 millions d’euros, a tenu également à souligner que la vente de ces actifs, à supposer qu’elles interviennent, permettrait seulement de réunir un produit évaluées à 290 millions d’euros, insuffisant donc pour couvrir le passif.
Toutes ces observations conduisaient donc à souligner l’impasse de financement du plan.
Le CDR désigné contrôleur a évidemment surenchéri en ajoutant que le plan présenté n’était « qu’une mauvaise copie des précédents, qu’il était irrecevable et dénué de sérieux ». Le procureur a présenté des réquisitions en faveur d’une liquidation judiciaire dans la mesure où il a estimé que le plan présenté était purement liquidatif.
La tâche du débiteur, qui soutenait son plan, s’avérait donc particulièrement délicate.
Il est intéressant d’examiner la motivation du jugement du 30 avril 2020 qui a rejeté ce plan.
On signalera au préalable que ce même jugement a rejeté un incident de procédure qui tendait à demander le renvoi devant la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité se fondant sur l’article L.620-10 du Code de commerce qui réserve au seul ministère public de saisir le tribunal au fin de révocation du contrôleur.
Il faut ajouter encore que le débiteur avait demander la révocation du contrôleur au motif d’une violation de l’obligation de confidentialité attachée à ses fonctions. On découvre sans surprise que Monsieur TAPIE et le CDR ont des rapports tendus.
Enfin, il faut dire également sur le plan procédural que le tribunal a pris son temps pour rendre son jugement. En effet, après une première audience le 30 octobre 2019, il a réouvert les débats le 20 janvier 2020 et fixé une nouvelle audience le 4 mars 2020.
Cette réouverture des débats était fondée sur une démarche du débiteur qui justifiait avoir mis en vente l’hôtel de Cavoye pour 80 millions d’euros, somme qui serait donc disponible sous quelques mois…
Cette démarche bien tardive n’a guère convaincu le tribunal, l’offre d’acquisition étant dépourvu de force obligatoire puisque soumise à l’adoption d’un plan de redressement.
Le débiteur a encore évoqué des actifs de GBT dans le journal la Provence estimé à 90 millions qui pourrait être cédés dans un délai de 6 ans. Toutefois, ce groupe de presse travaille actuellement dans des conditions difficile et avec un tel délai, il apparaît difficile d’en estimer la valeur a déclaré le tribunal.
Le tribunal a donc examiné la forme, c’est-à-dire la recevabilité du projet de plan (a°) puis en a examiné le contenu pour statuer sur une éventuelle admission (b°).
a°) sur la recevabilité du plan
Le tribunal s’est tout d’abord interrogé sur la recevabilité du plan, estimant que nonobstant toute activité économique des sociétés TAPIE, ce plan était recevable au sens de l’article L.630-1 du Code de commerce.
Le tribunal s’est fondé sur un précédent (Cass, com, 4 mai 2017, n°15-25046) qui a jugé que la cessation d’activité d’une personne physique ne fait pas obstacle à l’adoption d’un plan de redressement ayant pour seul objet l’apurement du passif.
Toutefois, il faut rappeler que dans cette affaire il s’agissait d’une infirmière libérale qui avait cessé toute activité et qui présentait donc un plan pour apurer son passif. L’assimilation de la situation de cette personne avec les sociétés holding de Monsieur TAPIE ne manque pas donc d’interpeler.
Une objection vient à l’esprit puisqu’il semble que la solution dégagée par cet arrêt se limite à l’activité d’une personne physique et ne peut être étendue à celles de sociétés, c’est-à-dire des personnes morales.
Cette analyse qui restreint la solution aux seules personnes physique a été toutefois contestée[10] du fait de son caractère trop général. Cette même analyse relève un mélange des genres entre le traitement du surendettement et le droit des procédures collectives qui ne peut concerner que des entreprises ayant une réelle activité. Or, on a déjà souligné que ces holding sont des sociétés de détention de patrimoine et non des entreprises ayant une activité économique effective.
Pour toutes ces raisons, le raisonnement du tribunal ne convainc pas.
Le tribunal a rejeté un second grief portant sur le fait que Monsieur TAPIE est toujours en liquidation judiciaire personnel depuis de nombreuses années aux motifs que le plan est présenté par les sociétés et non par le dirigeant lui-même.
Cet argument apparaît plus convaincant dans la mesure où le débiteur en procédure collective conserve un droit propre à présenter une solution de plan qui est indépendant de la situation de son dirigeant.
Enfin, le tribunal rejette les arguments tirés du fait que le plan présenté serait identique au plan précédent aux motifs que celui-ci se fondrait sur des éléments de fait, sinon nouveau, du moins qui n’était pas présent dans les procédures antérieures.
On aurait souhaité cependant que le Tribunal soit un peu plus précis car il ne détaille pas les éléments qualifiés de nouveau.
Il faut dire que le débat sur la recevabilité du plan lui-même apparaissait délicat à manier et le tribunal a préféré, comme il fallait s’y attendre, le rejeter après en avoir fait l’analyse.
b°) sur le rejet du plan
Le tribunal a donc considéré que le plan présenté était donc recevable.
Le tribunal n’a pas contesté l’évaluation du passif estimé par le débiteur évalué à 461 millions d’euros. Une discussion aurait pu intervenir puisque l’admission de la créance du CDR était intervenue depuis par deux arrêts de la Cour d’appel de Paris le 28 février 2020. Or, selon ce créancier, sa dette est désormais fixée à 550 millions d’euros si on inclut les intérêts qui ont couru depuis.
Toutefois, on le sait, le tribunal a une certaine liberté lorsqu’il arrête un plan pour fixer le passif et cette fixation n’a pas de valeur au regard de l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions de vérification des créances.
D’ailleurs, quelque soit le montant du passif pris en compte, l’impasse financière du plan était évidente.
Dès lors, le Tribunal a rejeté le plan puisqu’il juge sans surprise « que GTB et FIBT ne disposent pas d’un prévisionnel réaliste attestant de rentrée de fonds suffisant compatible avec le délai de mise en œuvre du plan proposé » et que « ce projet de plan souffre d’un défaut de financement ne reposant que sur des cessions incertaines d’actifs qui seront au surplus notoirement insuffisantes ».
La conclusion est évidente et la solution relève du simple bon sens.
Les sociétés de Bernard TAPIE sont donc désormais en liquidation judiciaire. Celui-ci, comme il fallait s’y attendre, a relevé appel de cette décision, ce qui est son droit le plus strict. Cependant, il faut rappeler qu’un jugement de liquidation judiciaire est exécutoire et que compte tenu du dossier, il sera délicat pour le débiteur de demander l’arrêt de cette exécution de plein droit.
On voit bien que le dossier est atteint un point de non-retour et que la réalisation des actifs, proposée bien tardivement par le débiteur, est désormais inéluctable. Conclusions : Il apparaît qu’au-regard de ce cas emblématique, on doit s’interroger sur la procédure de sauvegarde qui semble avoir été ouverte de façon trop généreuse par le législateur. En effet, il suffit aujourd’hui que le débiteur invoque des difficultés de nature à le conduire à la cessation des paiements.
Ainsi, toute référence à la nature de ces difficultés, notamment économiques, n'a pas été retenue, ni d’ailleurs l’importance des difficultés qui avaient été considérées insurmontables dans un premier temps, ni encore l’imputation des difficultés qui peuvent donc résulter du comportement du débiteur lui-même. Dans le but de promouvoir sa procédure de sauvegarde, le législateur a donc assoupli les règles au point de la rendre à ce point accueillante qu’elle peut être détournée de son objet.
Ainsi, cette affaire montre à quel point cette procédure peut être utilisé habillement par le débiteur pour ne pas payer ses dettes puisqu’il tient en échec son créancier depuis plus de 5 ans.
Cette observation pourrait apparaître déplacée dans le contexte actuel où une crise économique sans précédent menace l’activité de très nombreuses entreprises et en conséquence, de nombreux chefs d’entreprise envisagent d’y avoir recours.
Toutefois, si on réfléchit à la somme d’efforts dépensés par les juridictions ayant statués sur l’affaire TAPIE, on pourrait regretter que cette ingéniosité et ce temps judiciaire soit utilisé plus judicieusement pour une cause vraiment économique !
Pascal NEVEU
Avocat honoraire au Barreau de Nice.
Ancien Chargé d’enseignement à la faculté de Nice Sophia Antipolis (Master II Droit des entreprises en difficultés).
Avec la collaboration de Matthieu BOTTIN
Docteur en Droit
Avocat au Barreau de Nice.
Chargé d’enseignement à la faculté de Nice Sophia Antipolis.
Cet article n'engage que ses auteurs. [1] Pour la procédure collective : https://www.eurojuris.fr/trouver-un-professionnel-du-droit/articles/affaire-tapie-sauvegarde-entreprise-37659.htm [2] Cass. com., 9 juill. 2019, n°18-17.129 [3] Soit depuis 1994 à la suite de la liquidation judiciaire de la société NCBT Gestion, décision non-rétractée. [4] Sur ces questions, voir : Cass. com., 13 déc. 2016, n°15-24.464 et 15-24.598 relatives aux contentieux au titre des impôts impayés par Bernard TAPIE. [5] Selon des articles de presses, les négociations avec un amateur intéressé, Rodolphe SAADI, et Xavier NIEL seraient au point mort. [6] Selon le rapport de l’administrateur mais même 287.703.648 euros selon les sociétés en redressement. [7] Notamment la société générale pour 13.021.491 euros au titre d’une garantie autonome (Cass. com., 18 mai 2016, n°14-28867). [8] Jurisprudence constante : Cass. com., 6 janvier 1998, n°95-20588, D. IR, p.39 ; Cass. com., 22 mars 2011, n°09-72751 ; Cass. com., 15 novembre 2016, n°14-22785 ; plus récemment, 20 mars 2019, n°17-27.527, F-P+B. [9] Obs. F.-X. LUCAS, Dalloz n°34 du 10 octobre 2019, Panorama du droit des entreprises en difficultés, n°1903. [10] Obs. F.-X. LUCAS, Dalloz n°33 du 5 octobre 2017, Panorama du droit des entreprises en difficultés, n°1945.
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