Epargnants et investisseurs face à la crise financière
Auteur : NEVEU Pascal
Publié le :
14/10/2008
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2008
Les clients des banques et des prestataires d’investissement assistent impuissants à l’anéantissement des économies qu’ils avaient patiemment mis « de côté » pendant de nombreuses années.
Devant la tourmente financière, pourquoi pas une réponse judiciaire?Les clients des banques et des prestataires d’investissement assistent impuissants à l’anéantissement des économies qu’ils avaient patiemment mis « de côté » pendant de nombreuses années et qui devaient assurer leurs vieux jours, pour les plus anciens, ou leur permettre d’acquérir leur premier logement, pour les plus jeunes.
Le dépit laisse place à l’incompréhension qui tourne, elle, à la colère.
Certes, on peut toujours espérer un miraculeux retournement du marché, il se produira d’ailleurs fatalement tôt ou tard…
Mais, dans combien de temps ? et à quel rythme ?
Nul ne peut le dire aujourd’hui mais, sans être prophète, on peut prédire que le chemin sera long… et pendant ce temps, les économies des épargnants et des investisseurs demeureront improductives.
Alors, faut-il se plaindre et saisir la Justice qui est souvent encore plus lente et toujours incertaine ?
Cependant, ne rien faire, c’est accepter la situation et le préjudice qui en découle.
Si l’on choisit d’agir, il faut alors prendre en compte un certain nombre d’éléments :
I / Il est en général inutile de mettre en avant les pertes subies pour prétendre établir la responsabilité de l’opérateur.
C’est pourtant le réflexe du client qui s’estime lésé.
Cette démarche aboutit dans la plupart des cas à une impasse judiciaire, le professionnel n’étant pas responsable de l’évolution défavorable des cours de la Bourse, sauf circonstance très particulière.
Si la perte peut participer de l’évaluation du préjudice, elle ne peut, à elle seule établir la responsabilité.
Le client ne fait généralement d’ailleurs que souligner, à l’occasion de ses griefs, sa connaissance du produit financier choisi et sa plus ou moins grande maîtrise des marchés ce qui se retournera contre lui en permettant au banquier de mettre en avant sa qualité de client averti.
Dès lors, la responsabilité du professionnel sera appréciée avec moins de rigueur.
Si l’on veut aboutir, il ne faut pas commencer en commettant cette première erreur qui peut être fatale.
II / Une étude soignée du dossier est un préalable nécessaire avant toute mise en cause.
Quel est le type d’investissement qui a été choisi ?
Quels sont les informations et les documents qui ont été remis ?
Quels sont les objectifs de gestion qui ont été fixés ? (s’il y en a eu ?).
Souvent quelques correspondances précontentieuses seront nécessaires pour éclairer certains points du dossier et prendre la mesure de la position adverse.
Les arguments et la structure juridique de la réclamation ne pourront être établis qu’après ce travail indispensable qui permettra aussi de mesurer s’il existe quelques chances de succès ou s’il vaut mieux s’abstenir.
Un accord amiable peut être également trouvé à ce stade bien qu’il soit assez peu fréquent en pratique et qu’il le sera encore moins dans les difficultés actuelles.
III / Si l’on est en présence d’un placement en assurance vie (placement préféré des français), une piste particulière peut être explorée : le droit de rétractation.
On sait en effet que depuis quelques années, ces placements ne sont plus monétaires ni obligataires et qu’ils ont rejoint la Bourse grâce à M. STAUSS KHAN, aujourd’hui Président du FMI, mais aussi, il faut être juste, grâce aux professionnels de l’assurance qui pouvaient ainsi afficher des rendements alléchants et même mirobolants au terme d’opérations complexes à fort effet de levier.
En bref, ces placements désormais assis sur des unités de comptes sont devenus à risque et affichent dans le contexte d’une crise financière de fortes pertes.
Heureusement, pour les assurés, le Code des Assurances est très protecteur et même tatillon.
Or, ces dispositions ont été quelque peu perdues de vue par les préposés de banque ou les agents d’assurance qui ont commercialisé ces produits.
Ainsi, les documents, dont la remise est exigée par la loi, ne sont pas tous réguliers et souvent même on constate des omissions.
Cette situation offre une belle opportunité à l'assuré, les assureurs ont d'ailleurs qualifié ces recours de DROIT DU RENARD.
En effet, ce droit de rétractation aboutit au remboursement intégral de l’investissement d'origine.
Certes ce droit ne peut en principe être exercé qu'au tout début du contrat (dans les 30 jours de la remise des fonds) mais ce délai ne court que si la totalité des documents d'information a été fournie.
En revanche, en cas de manquement, le délai ne court pas et ce droit peut mis en œuvre quelle que soit l'ancienneté du contrat.
Les assureurs se sont émus de cette situation et le législateur est venu à leur secours par une Loi de décembre 2005 pour en limiter l'exercice pendant 8 ans à compter de la conclusion du contrat.
Quoiqu'il en soit, ce droit de rétraction peut offrir de belles opportunités dans la crise financière actuelle où certains placements ont pu perdre plus de la moitié de leurs valeurs.
La cour de cassation demeure inflexible sur sa jurisprudence instaurée en 2006 qui précise que le droit de rétractation est indépendant de la bonne foi de l'assuré et que celui-ci ne peut y avoir renoncé au seul motif qu'il a effectué des opérations sur son compte.
Le droit de rétractation doit être effectué par une demande en lettre RAR à l'assureur qui n’y donne généralement aucune suite et qu'il faudra contraindre à payer au terme d’une longue bataille judicaire.
Toutefois, l'assuré ne saurait s'en plaindre car les sommes réclamées portent intérêt, et quel intérêt ! (double du taux légal au bout de 3o jours après la demande).
Voila de quoi remettre un peu de baume au le coeur meurtri de l'assuré.
IV / Si l’on est en présence d’un portefeuille boursier, qu’il soit géré sous mandat ou en direct par le client, le positionnement juridique sera différent.
Cependant, là encore, c’est le contenu de l’information fournie par le banquier ou le prestataire d’investissement qui sera capital (sans jeu de mot).
Le Code Monétaire et Financier est également protecteur des intérêts du client puisqu’il impose aux professionnels des règles de bonne conduite.
On peut être surpris de ces règles de morale dans un univers qui semble en être dépourvu.
En tout état de cause, il s’agit d’un rappel salutaire qui impose aux professionnels de toujours agir dans l’intérêt du client, ce qui est parfois quelque peu perdu de vue.
Agir dans l’intérêt du client, c’est d’abord rechercher avec lui quels sont les objectifs qu’il poursuit et si ceux-ci sont cohérents au regard de sa situation patrimoniale et financière.
Il faut aussi rechercher si les choix du client sont éclairés par une compétence suffisante.
Autrement dit, le professionnel sans se substituer à la décision du client doit le conseiller au besoin en l’orientant de façon différente et à défaut en refusant de lui prêter son concours.
L’épargnant ou l’investisseur a parfois le sentiment légitime que lors de son entrée en relation le prestataire n’a pas fait ce travail ou du moins l’a fait de façon insuffisante.
Certes, en présence d’un investisseur averti, le prestataire ne sera pas alors tenu de remplir cette obligation puisque le client est alors sensé être parfaitement autonome.
Mais, le prestataire devra alors apporter la preuve qu’il a vérifié cette connaissance par des investigations précises ; une déclaration écrite du client ayant été jugée insuffisante.
De plus, le prestataire devra établir qu’il a fourni à son client une information équilibrée, c'est-à-dire qui n’était pas uniquement axée sur les avantages promis mais qui l’informait également sur les risques encourus.
C’est ainsi qu’on peut résumer l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui apparaît bien venue dans le contexte actuel.
Le client ne sera donc pas dépourvu d’argument dans la recherche éventuelle de la responsabilité du prestataire.
L’évaluation du préjudice sera différente en fonction du mode de gestion.
Si le client a adopté une gestion sous mandat, il pourra, en cas du manquement du professionnel, espérer la restitution des fonds investis, augmentés éventuellement de l’intérêt au taux légal (environ 3% en moyenne sur la période), ce qui n’est en définitive pas si mal car s’agissant d’un préjudice indemnitaire, il ne devrait pas être fiscalisé.
Dans le second cas, c'est-à-dire dans le cas d’une gestion libre, le préjudice devra être limité aux seules opérations les plus risquées, sans exclure un éventuel partage de responsabilité.
Alors, plutôt que de souffrir sur le grand huit des cours de la Bourse, pourquoi ne pas redescendre sur Terre et envisager une réponse judiciaire ?
Cet article n'engage que son auteur.
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