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La réparation du préjudice moral serait-elle injuste?

La réparation du préjudice moral serait-elle injuste?

Auteur : CHARLES-NEVEU Brigitte
Publié le : 10/02/2011 10 février févr. 02 2011

Ceux qui pratiquent régulièrement le droit de l‘expropriation, et, a fortiori, ceux qui ont personnellement vécu l’expérience d’une expropriation savent combien le fait d’être dépossédé d’un bien immobilier peut parfois être douloureux.

Expropriation et indemnisation du préjudice
C’est la question que l’on ne peut manquer de se poser à la lecture de la décision prise le 21 janvier dernier par le Conseil Constitutionnel, saisi par la Cour de Cassation dans le cadre d’une QPC relative à l’article L 13-13 du Code de l’Expropriation.


1. Ceux qui pratiquent régulièrement le droit de l‘expropriation – et a fortiori, ceux qui ont personnellement vécu l’expérience d’une expropriation - savent combien le fait d’être dépossédé d’un bien immobilier peut parfois être douloureux …

La relation de l’homme à l’immeuble est souvent sentimentale, empreinte d’une forte charge émotionnelle, qu’il s’agisse d’un bien de famille transmis depuis plusieurs générations, indissociable à ce titre de l’histoire familiale, ou d’un bien choisi entre tous, payé et entretenu au prix d’importants sacrifices financiers, …

Autant de cas où le préjudice moral découlant de la cession forcée est certain, direct, facile à établir, mais ne peut naturellement être réparé au titre de seule la contre valeur de l’immeuble ou de la prise en compte des conséquences strictement matérielles.

2. Pour autant, les dispositions relatives à la fixation des indemnités d’expropriation n’ont pas expressément prévu la réparation du préjudice moral.

Notamment, l’article L13-13 du Code de l’Expropriation qui dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ne fait nulle allusion à la réparation du préjudice moral, et la jurisprudence rendue à son visa l’a clairement exclue.

3. C’est pourquoi une question prioritaire de constitutionnalité se devait d’être posée au regard de la protection constitutionnelle attachée au droit de propriété privée, et notamment de l’article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Et la question est apparue sérieuse puisqu’elle a été transmise au Conseil Constitutionnel par décision de la Cour de Cassation en date du 21 octobre 2010.

C’est dire combien la réponse du Conseil Constitutionnel était attendue …

4. Après avoir relevé que l’article L 13-13 met en œuvre le droit à la réparation intégrale du (seul) préjudice matériel, le Conseil Constitutionnel a considéré qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité expropriante, poursuivant un but d'utilité publique, soit tenue de réparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés ;

Que, par suite, l'exclusion de la réparation du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractère juste de l'indemnisation de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Ainsi donc, une indemnité qui exclut la réparation du préjudice moral serait une indemnité juste au sens de l’article 17 précité …

Il est difficile d’être convaincu par une telle solution, qui fait de l’expropriation un des rares domaines où la réparation du préjudice moral demeure systématiquement exclue.

Il reste cependant à souhaiter que la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme permette de la contourner.





Cet article n'engage que son auteur.

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