Projet urbain partenarial: quel avenir?
Auteur : CHARLES-NEVEU Brigitte
Publié le :
03/08/2009
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Après avoir, pendant quelques décennies, durci les conditions de la constructibilité, le législateur essaie à présent d’assouplir les contraintes qu’il a lui-même imposées aux propriétaires et constructeurs.
La Convention de projet urbain partenarialAprès avoir, pendant quelques décennies, durci les conditions de la constructibilité – ce qui n’a pas été sans conséquence sur l’actuelle crise du foncier et du logement -, le législateur essaie à présent d’assouplir les contraintes qu’il a lui-même imposées aux propriétaires et constructeurs.
Tel a été l’objectif des récentes réformes, dont la loi du 25 mars 2009 « de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion ». (1)
L’article 43 de ladite loi a notamment introduit dans le Code de l’Urbanisme, à la section relative aux participations à la réalisation d’équipements publics exigibles à l’occasion de la délivrance d’autorisations de construire ou d’utiliser le sol , du Titre III (« Dispositions Financières »), du Livre III relatif à l’aménagement foncier, les articles L 332-11-3 et L 332-11-4 instituant la convention de projet urbain partenarial (PUP).
Il s’agit donc d’une participation d’urbanisme » contractuelle » …
Très schématiquement, l’idée est la suivante : la commune (ou l’EPCI, ou encore l’Etat) s’engage à réaliser les équipements publics dont le constructeur (aménageur, propriétaire) a besoin pour pouvoir réaliser son opération d’aménagement, et ce dernier prend en charge le coût de la part qui répond aux besoins de son projet.
La convention de PUP ne peut être passée que dans les zones U ou UA des communes dotées d’un PLU (ou d’un document en tenant lieu).
Enfin, l’objet des organismes d’HLM (offices publics d’habitat, S.A d’HLM, S.A. Coopératives de production d’HLM et S.A. Coopératives d’intérêt collectif d’HLM) est modifié pour permettre la souscription ou l’acquisition de parts ou d’actions dans des sociétés pouvant conclure une convention de PUP. (Code de la Construction et de l’Habitation , articles L 421-2, L 422-2, L 422-3)
Applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi, la convention de PUP connaît-elle un grand succès ? Il est sans doute trop tôt pour le dire.
Néanmoins, trop imprécis pour les uns, d’une heureuse souplesse pour les autres, le mécanisme suscite diverses interrogations :
• Son intérêt ?
Pour la commune (ou l’établissement public), il apparaît assez compréhensible :
- faire financer des équipements publics au moins pour partie par des fonds privés (2)
- favoriser l’initiative privée (3) et éviter de recourir à une ZAC, donc d’exproprier, donc, de régler les indemnités dues aux propriétaires dépossédés
- échapper à la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 20.10.04, ville de Biarritz, n° 224203 - CE 10.10.2007, commune de Biot, n° 268205) qui considérait comme nulles toutes participations d’urbanisme autres que celles prévues par le Code (4)
- obtenir une cession gratuite de terrain supérieure à 10 % puisque l’apport de terrain « bâtis ou non » ne semble pas limité, contrairement à ce que prévoient les articles L 332-6-1 e) et R 332-15
- permettre de réaliser des travaux publics sans passer par les règles de publicité et de concurrence, donc de contourner les règles et la jurisprudence européenne sur ce point (5)
Pour le constructeur et /ou le propriétaire, l’intérêt est moins évident (6)
Obtenir, en contre partie, l’ouverture de secteurs à l’urbanisation, plus de droits à construire, une prise en charge partielle des travaux, permettre, plus simplement, l’aboutissement d’opérations vouées à l’échec ?
Sans doute … mais à quel prix ?
Pour le professeur PERINET-MARQUET, le partenaire pourrait n’être qu’un débiteur de taxes d’urbanisme habilement maquillé, un super payeur appelé à contribuer à la réalisation d’équipements publics de manière bien supérieure à ce qu’exige la taxe locale d’équipement … (7)
Plusieurs auteurs ont relevé en outre que le « partenaire » ne bénéficierait même pas d’une cristallisation des règles ; au surplus, au bout de 10 ans maximum, l’exonération de TLE cessera, mais la convention pourra être conclue pour une durée beaucoup plus brève.
• La nature juridique de la convention ?
Le constructeur, aménageur sera le plus souvent aussi le propriétaire, personne privée.
La convention ne mettra donc en présence qu’une personne publique et une personne privée. Même si l’opération est une opération purement privée, la convention constitue t-elle un contrat public ? A priori, s’il y a participation au service public (la convention s’inscrit dans le cadre d’une opération d‘aménagement foncier) et clauses exorbitantes, le contrat sera administratif.
Mais si interviennent deux personnes privées (un constructeur ou aménageur privé et un propriétaire privé), les rapports constructeur, aménageur/propriétaire resteront des rapports de droit privé.
La convention pourrait bien avoir une nature « mixte » selon les rapports envisagés, mais avec toutes conséquences de droit (régime procédural, compétence, contrôle du juge, nullité, imprévision, difficultés d’exécution, …)
• Quels équipements ?
Le texte vise des équipements publics à réaliser pour le compte des futurs habitants ou usagers à l’exclusion de ceux visés à l’article L 332-15.
Or la liste du L 332-15 est assez complète puisqu’elle couvre l’ensemble des VRD.
Par ailleurs, l’emploi du terme « équipement » laisse entendre qu’il ne peut s’agir d’une construction principale. Sur quels équipements – publics - la convention de PUP va-t-elle porter ?
Suffira t-il que les équipements excèdent les besoins des usagers pour ne plus être considérés comme des équipements propres et permettre la conclusion d’un PUP ?
• Le moment de sa conclusion ?
Le texte s’emplace dans le Code de l’Urbanisme au titre des « Participations à la réalisation d’équipements publics exigibles à l’occasion de la demande d’autorisation … »
Toutefois, une convention ne peut être exigible ; elle ne l’est d’ailleurs pas, il s’agit d’une simple faculté.
Qui a, en pratique, l’initiative de proposer le PUP, et à quel moment ?
Le pétitionnaire, en joignant un projet de convention dans son dossier de demande ? La commune, saisie d’une demande d’autorisation à laquelle elle n’a pu répondre favorablement en l’état ?
En toute hypothèse, la convention semble devoir être négociée et conclue avant le dépôt de la demande de permis (de construire ou d’aménager), puisqu’elle devra être approuvée et passer au contrôle de légalité, sans que soient rallongés les délais d’instruction de la demande d’autorisation. Elle deviendrait caduque au cas où l’autorisation serait néanmoins refusée.
• La forme de la participation ?
Contribution financière ou apport de terrain, dit le texte.
Or seul le propriétaire peut faire apport de terrain.
Il devrait cependant être possible de prévoir une participation « mixte » : apport de terrain (par le propriétaire) et contribution financière (par l’aménageur).
Ainsi que précédemment relevé, l’apport de terrain n’est pas limité ce qui permettrait donc à la collectivité d’échapper à la règle des 10 % (cf. supra).
En outre, il semble que les terrains « apportés » n’ont pas nécessairement à être pris sur l’assiette de l’opération.
Enfin, aucune affectation particulière ne paraît imposée auxdits terrains …
Quant à la contribution financière, il ne sera peut-être pas toujours aisé de fixer à l’avance la fraction du coût imputable au constructeur et celle restant à la charge de la commune …
Par ailleurs, si la convention de PUP doit bénéficier de l’action en répétition du L 332-30, on peut se demander quel sera l’avenir du programme immobilier dans le cas où les travaux prévus n’auraient pas été réalisés par la personne publique …
Devant tant d’incertitudes, les partisans du PUP ont loué la grande liberté contractuelle laissée aux parties…. Ce qui est en effet tout à fait satisfaisant lorsque les parties sont d’égale force … Mais on peut se demander si ce sera toujours le cas, notamment lorsqu’un propriétaire foncier (privé) ni constructeur ni aménageur se laissera entraîner dans un PUP à trois voix …
Index:
(1) Rozen Noguellou, Dr. Adm. n°5, mai 09, alerte 31 : La loi du 17 février 2009, comme celle du 25 mars 2009 cherchent à relancer la construction de logement (…) Il n’est évidemment pas besoin de souligner que cette instabilité chronique de la règle de droit nuit non seulement à sa bonne compréhension mais aussi à son respect
(2) Annoncée notamment par deux réponses ministérielles à questions écrites (n° 34851 et 33580) relatives à la PVR (participation voirie et réseaux) : « Conscient, néanmoins, des difficultés rencontrées par les communes pour le financement de l’urbanisation, le gouvernement envisage actuellement un nouvel outil, le projet urbain partenarial, permettant le préfinancement des équipements publics par les propriétaires fonciers, aménageurs ou constructeurs »
(3 ) Neyla Gonzalez-Gharbi, construction urbanisme n°5, 05.09, étude 9
(4) Gilles Godfrin, constr. urb. n° 10 oct. 08 , repère 9
(5 ) voir notamment : CJCE – C 399/98 du 12.07.2001, « Scala de Milan »
(6) Pour Jean-Philippe Strebler (source internet, blog L. Weyer), « le PUP était une revendication lancinante des professionnels de la construction et de l’aménagement dont les projets étaient bloqués parce que les communes n’avaient pas les moyens de réaliser les équipements publics nécessaires et qu’il était interdit de contribuer au financement de ces équipements en dehors des contributions limitativement énumérées par l’article L 332-6-1 2° »
(7) Hugues Périnet-Marquet, constr. urb. n° 9, sept. 08, repère 8 : … (…) le partenariat n’intéressera, d’ailleurs, que s’il est équilibré pour les deux partenaires.
Cet article n'engage que son auteur.
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