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Point sur les mesures pour aider les entreprises en difficulté

Auteur : NEVEU Pascal
Publié le : 12/05/2009 12 mai mai 05 2009

Sauver de la noyade le plus grand nombre d’entreprises en difficultés a toujours été le vœu du législateur depuis plus de 40 ans. Il faut constater qu’il n’a guère réussi. La réforme de la loi de Sauvegarde échappera-t-elle à cette triste fatalité ?

La réforme sur les entreprises en difficulté: le mythe de l'Arche de NoéSauver de la noyade le plus grand nombre d’entreprises en difficultés a toujours été le vœu du législateur depuis plus de 40 ans (1). Il faut constater qu’il n’a guère réussi (2). La réforme de la Loi de Sauvegarde qui vient d’intervenir échappera-t-elle à cette triste fatalité ? La tache qui l’attend est d’autant plus délicate que le défi est immense en raison du contexte économique. En effet, le déluge annoncé est malheureusement au rendez-vous et l’année 2009 marquera probablement un record absolu en matière de défaillance d’entreprise (3).
Prenant naissance dans le creux de la vague du tsunami financier venu d’outre-atlantique, ce déluge économique développe des effets qui n’en sont pas moins dévastateurs. Si l’on se réfère à la Bible, le déluge fut relativement court, une année tout au plus, mais celui que nous subissons sera manifestement plus long (4). Dès lors et en attendant une hypothétique reprise économique, les entreprises sont tentées de trouver refuge dans les mesures édictées par la Loi de Sauvegarde, qui n’a d’ailleurs jamais mieux mérité son nom qu’aujourd’hui. (5)
Ce recours serait-il devenu une véritable Arche de Noé qui préserverait de la disparition de toutes les entreprises en difficultés encore vivantes(6) ?
Née dans un tout autre contexte de promesses électorales et de recherche de croissance, la réforme se voit donc confrontée à la tempête (7).
Avant d’embarquer, sans état d’âme, il convient de vérifier l’état du navire (I) mais aussi de mesurer sa capacité à naviguer (II) et plus encore de parvenir à bon port (III).


I / L’embarquement :

L’état du Navire peut inspirer une certaine confiance. La coque (interdiction des paiements et arrêt des poursuites) demeure solide bien qu’elle se soit ébréchée au fil du temps, notamment du fait de la multiplication des sûretés et garanties spéciales. La réforme en consolide d’ailleurs certaines parties qui auraient pu présenter une voie d’eau (fiducie, droit de rétention). Mais, c’est sans doute au niveau de l’accueil des passagers que les progrès apparaissent les plus notables. En effet, la procédure de sauvegarde n’est plus une procédure collective qui se résout à faire constater un état de cessation des paiements, autrement dit un constat d’échec. Au contraire, elle encourage à anticiper largement cet état en recourant librement à une mesure de prévention (libre initiative du moment et du choix du mandataire) mais, surtout, à une procédure de sauvegarde dont l’ouverture se limite désormais à la démonstration de l’existence de difficultés (quelle qu’en soit la nature) que l’entreprise n’est pas en mesure de surmonter. Autrement dit, on encourage les passagers à occuper très tôt une place et, s’agissant de l’Arche de Noé, on ne saurait trop recommander une telle précocité…

La place ne sera pas la même pour tous et l’on pourra choisir son compartiment. Ceux qui auront choisi une mesure de prévention sur le pont seront davantage exposés aux éléments, mais, ils pourront, en cas de besoin, occuper facilement une place plus rassurante à l’intérieur. Les passerelles entre les mesures de prévention et la sauvegarde, voire entre la sauvegarde et le redressement judiciaire, ont été facilitées et sont réservées à l’usage du dirigeant. Il est clair que les passagers retardataires risquent d’occuper les ponts inférieurs et donc de voyager dans de plus mauvaises conditions ; ne parlons pas de la cale (la liquidation judiciaire) qu’il vaut mieux éviter. Il sera donc beaucoup pardonné aux premiers entrants et, corrélativement, beaucoup moins aux suivants. La procédure collective n’est pas un paradis mais cela, on le savait déjà… On notera que la sécurité des passagers s’est accrue (disparition de l’obligation aux dettes sociales) sans toutefois les inciter à des conduites à risque (maintien de la responsabilité pour insuffisance d’actif).


II- La traversée :

La prévention bénéficie d’une meilleure navigabilité puisque la durée de la conciliation (4 mois + 1 mois) n’est plus amputée par une éventuelle procédure d’homologation. Mais surtout les poursuites sont suspendues pendant l’exécution de l’accord et les coobligés et garants en bénéficient, que cet accord soit homologué ou simplement constaté.

Les délais de paiement ne sont plus révoqués automatiquement. La navigation en procédure de sauvegarde s’offre également le choix du capitaine (administrateur judiciaire) et le dirigeant peut procéder lui-même à l’enregistrement de ses bagages (inventaire).

Il dispose, surtout, d’une véritable initiative sur le choix de la route ; il peut, par exemple, proposer une cessation partielle d’activité ou une substitution de garantie à ses créanciers. Il prépare avec l’administrateur (qui a une simple mission d’assistance ou de surveillance) le plan de sauvegarde avec l’assurance de rester à bord (suppression de toute cession de titre ou de toute éviction de dirigeant).

En cas d’erreur de cap, il se voit offrir une seconde chance avec l’ouverture d’un redressement judiciaire.

La flottabilité s’améliore également, puisqu’il devient possible de jeter par-dessus bord tous les objets encombrants (contrat dont la poursuite pourrait menacer la conclusion d’un plan de sauvegarde) à condition, bien sûr, de ne blesser personne (limite de l’atteinte excessive portée au droit des créanciers).

L’état de cessation des paiements s’apprécie désormais en incluant expressément les réserves de crédit et/ou les moratoires. Même la cale bénéficie d’une meilleure flottaison (dispense de l’arrêt et de l’approbation des comptes sociaux, poursuite d’un contrat utile même en l’absence d’activité). Les créances postérieures ne sont plus ces récifs menaçants ou ces icebergs dérivants dont la survenance brutale pourrait être synonyme de naufrage mais de simples vagues nées dans le sillage du navire (créance née pour les besoins de la procédure ou de la période d’observation).

Ainsi, le bateau peut flotter et même naviguer ; mais, à l’issue de la traversée, peut-il gagner la terre ferme ?


III – La Terre :

La terre, voilà le but de la procédure collective et peu importe si le port d’arrivée n’est pas celui qui avait été choisi. La procédure collective est comme le marin, elle a un point de chute dans chaque port. Son cap, sa route évoluent pendant la traversée. En fait, elle est un peu comme l’Arche de Noé, elle arrive à bon port lorsque l’eau se retire, que l’activité redevient pérenne et bénéficiaire et que le passif est à sec. Peu importe l’endroit où cela se produit (8). Ce qui compte en effet, c’est le résultat : il faut toucher la terre ferme. Voilà qui rend plus incertaine la durée de la navigation et plus la durée est longue, plus il faut de vivres.

On peut modifier à l’infini les règles de la procédure collective, les rendre juridiquement plus protectrices, si l’entreprise ne peut nourrir son équipage, son échec est prévisible. L’autofinancement est fragile et capricieux, comme la navigation à voile ou la pêche à la ligne.

Pour sortir de la spirale de l’échec beaucoup d’entreprises en difficulté auraient besoin d’un financement externe qui les accompagnerait, non seulement pendant la période d’observation (pour faire face à son surcoût), mais également au-delà pour l’accomplissement du plan et même sur le long terme (pour opérer une véritable mutation économique).

Quel regard différent porteraient alors les créanciers et les Juges sur la procédure collective ! Le législateur s’est-il aventuré dans cette voie ? A-t-il favorisé des mesures de financement ? Les a-t-il accompagnées de mesures fiscales incitatrices ? Hélas, rien n’a été fait sur ce plan capital (pourrait-on dire). La seule mesure financière concerne les sociétés de capitaux avec la possibilité de convertir en capital des créances. Voilà, pourtant, un large champ d’intervention pour l’investissement privé (9) mais aussi pour l’investissement public.

On a nommé un médiateur national du crédit, mais, pour autant, on ne lui a pas fournit les mesures qu’il pourrait proposer. Certes, on objectera que de telles mesures ne seraient pas du goût de Bruxelles. Mais lorsqu’il s’agit de sauver le secteur financier, qui est peut-être, plus coupable d’imprévisions ou d’imprudences, que l’entrepreneur en difficulté, on ne semble pas avoir les mêmes craintes ni les mêmes appréhensions et le financement coule à flot…

Pourquoi ne peut-on pas faire (plus raisonnablement, sans doute) pour le secteur économique ce que l’on a fait pour le secteur financier ? Le secteur économique n’est-il pas victime de la finance ? Pour le secteur industriel, le plus touché à l’évidence, la crise financière n’est-elle pas, par elle-même, une difficulté que le débiteur n’est pas en mesure de surmonter ? Enfin et surtout, pourquoi accompagner à grands frais des plans sociaux, alors que l’on peut simplement aider les entreprises à se redresser ; plus de 70 % des Chefs d’entreprise, se déclarant prêt à conserver leur personnel malgré leurs difficultés.

Une réforme de la fiscalité des entreprises en difficultés aurait été également souhaitable. On s’est efforcé timidement d’alléger le passif fiscal antérieur (Comité des Créances Publiques) sans changer pour l’avenir les règles du jeu.

Les mêmes causes ne produisent-elles pas les mêmes effets ? Pour les TPE, le coût fiscal d’un plan est souvent un obstacle impossible à surmonter. Pour les entreprises plus importantes, les abandons de créances qu’elles ont pu habilement négocier sont des épées de Damoclès qui menacent les sorties de plan. D’une manière plus générale, le régime fiscal applicable aux entreprises en difficultés devrait être amélioré, afin de favoriser le redressement. Par ailleurs, la situation fiscale du Chef d’entreprise, pourrait être elle-même adoucie, alors que dans la plupart des cas, il se consacre totalement à son redressement, en sacrifiant, souvent, ses propres revenus et alors, que ses heures supplémentaires ne sont pas exonérées au titre de l’IRPP. Ainsi, il devrait, par exemple, pouvoir bénéficier d’une déduction fiscale, au titre des apports de fonds qu’il serait amené à faire, pour favoriser le redressement de son entreprise.

En résumé, un « paquet fiscal » et des mesures de financement auraient été les bienvenus, si l’on veut vraiment aider les Dirigeants et leurs entreprises en difficultés, ainsi que préserver l’emploi, car, à défaut, l’Arche de Noé pourrait bien devenir le radeau de la Méduse.


Index:
(1) au moins depuis la législation de 1967
(2) les études publiées à ce jour donnent toutes invariablement les mêmes chiffres : 75% de LJ (+ de 90% à la suite des résolutions ou conversions) 20% de plan de redressement et 5% de plan de cession. Certes, ces chiffres s’inversent pour les entreprises réalisant plus de 5 millions de chiffres d’affaire –
(3) le pic historique se situait jusque là en 1993 avec 64814 ouvertures de procédure collective (en 94 : 60 427, en 96 : 62 643, en 97 : 61 004) alors que l’année 2008 n’en a enregistré que 57 695 (soit 15 % de plus qu’en 2007) mais avec une accélération notable sur le dernier semestre (+ 15%) qui s’est encore accrue lors du premier trimestre 2009 (+25%)
(4) l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques prévoit une récession de – 2,3 % pour 2009 et –0,2% pour 2010, en évoquant des « niveaux jamais atteints » et une situation « d’incertitude complète », le FMI est encore plus pessimiste pour la France : -3% en 2009 et – 0,6% en 2010
(5) 304 ouvertures de sauvegarde sur le premier trimestre 2009 (Les Echos 21/04/2009) alors que les années précédentes (2007/2008) n’avaient enregistré que 500 procédures environ, soit seulement 2% du montant total des procédures collectives mais, 43% de sauvegardes ont abouti à une issue favorable.
(6) 50 000 ou plusieurs millions d’espèces d’animaux terrestre comprenant les oiseaux (un mâle et une femelle de chaque pour assurer la reproduction)( le débat n’est toujours pas clos), qui auraient embarqué en 8 jours,sur un navire de 137 m, Noé étant aidé de sa femme de ses trois fils et de leurs femmes. On rappellera que Dieu déclencha le déluge pour anéantir « toute chair ayant souffle de vie dans le ciel et tout ce qui sur la terre » Gen.6-14 22-89.
(7) Il ne peut s’agir ici, que d’un bref aperçu l’ordonnance du 18/12/2008 ayant modifié 174 articles de la Loi de sauvegarde et le Décret du 12/02/2008 en compte 156
(8) Le Mont ARARAT, en Arménie, lieu où l’arche de Noé se serait échouée
(9) M. Bernard TAPIE, qui a, en la matière, une expérience que nul ne peut lui contester, se déclare prêt à investir 40 millions d’euros dans un fond de soutien aux entreprises en difficulté (La Provence 28/11/2008). Des établissement de crédit de renom (BNP Paribas) se sont également déclarés prêts à intervenir.





Cet article n'engage que son auteur.

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