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L'indivision et la loi du 12 mai 2009

Auteur : CHARLES-NEVEU Brigitte
Publié le : 18/05/2009 18 mai mai 05 2009

Le régime aménagé par le nouvel article 815-5-1 du code civil paraît compliquer singulièrement la situation en cas d'indivision.

L’article 6 de la loi du 12 mai 2009 "d’allègement et de simplification des procédures"1. L’article 815-5 du Code Civil dispose : « un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun.
Le juge ne peut, à la demande d’un nu propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit contre la volonté de l’usufruitier.
L’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut. »

Le § 2 de la section 1 du chapitre VII du Code Civil, relatif aux actes autorisés en justice, se voit agrémenté d’un article 815-5-1 ci après reproduit :

« Sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l’un des indivisaires se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 836, l’aliénation d’un bien indivis peut être autorisée par le Tribunal de grande instance à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants :
Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire à cette majorité leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis.
Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires.
Si l’un ou plusieurs indivisaires s’opposent à l’aliénation ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.
Dans ce as, le tribunal eut autoriser l’aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
Cette aliénation s’effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l’objet d’un rempli, sauf pour payer les dettes et charges de l’indivision.
L’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal est opposable à l’indivisaire dont le consentement a faut défaut, sauf si l’intention d’aliéner le bien ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa.… »

Le but recherché serait de « faciliter la vente d’un bien en indivision ; le dispositif permettrait aux 2/3 des indivisaires d’obtenir la vente du bien même si un indivisaire provoque un blocage » (travaux préparatoires).


2. Rappelons que l’aliénation d’un bien indivis requiert l’accord de tous les coïndivisaires.

La pratique montre toutefois que cette unanimité n’est pas toujours atteinte, les situations de blocage sont fréquentes et réclament souvent une solution urgente.

L’autorisation judiciaire de l’article 815-5 du Code Civil permet efficacement de sortir du blocage.

L’action ne sera toutefois accueillie qu’autant que le refus d’un indivisaire (ou de plusieurs) est établi, ce qui implique naturellement que celui-ci ait été préalablement mis en demeure de consentir à la vente par ses coïndivisaires directement ou par l’intermédiaire de leur conseil.

L’action en justice relève de la compétence du Tribunal de Grande Instance statuant au fond, mais, en cas d’urgence, peut faire l’objet d’une autorisation d’assigner à jour fixe.

Et l’urgence n’est pas rare : charges de copropriété impayées, menace de saisie immobilière, besoin de faire ratifier un compromis imprudemment signé par certains indivisaires, ou plus simplement, nécessité de conserver un acquéreur potentiel que la précarité de la situation de droit pourrait décourager …


3. Le régime aménagé par le nouvel article 815-5-1 paraît compliquer singulièrement la situation :

- La procédure prévue à l’article 815-5-1 n’est ouverte qu’à l’indivisaire (ou aux indivisaires) titulaires d’au moins 2 /3 des droits indivis – ce qui restreint donc l’accès à l’autorisation judiciaire : Or l’aliénation du bien indivis peut être justifiée par l’intérêt commun (dettes de l’indivision, risque de dépréciation de l’immeuble, …) alors même que des indivisaires seraient majoritairement opposés à la vente …

- Elle exclut les hypothèses de démembrement de la propriété et de l’indivisaire « absent » ou hors d’état de manifester sa volonté, donc se montre plus restrictive que l’article 815-5 qui subordonne seulement l’autorisation judiciaire de vendre à l’accord de l’usufruitier.

- Les indivisaires représentant donc au moins les 2/3 des droits indivis doivent contacter un notaire pour lui exprimer leur intention de vendre. Dans le délai d’un mois suivant le recueil d’intention, le notaire la fait signifier aux réfractaires, lesquels ont alors trois mois pour se manifester. Ce dernier délai ne semble au demeurant pas sanctionné, l’inopposabilité prévue au dernier alinéa du texte ne s’appliquant qu’aux modalités de signification de l’intention d’aliéner. En cas d’opposition expresse ou d’absence de réaction de la part des coïndivisaires (ou de l’indivisaire), le notaire dresse un PV (de difficulté ou de carence, selon les cas) – mais dans quel délai ? - Une étape supplémentaire est donc organisée avant de pouvoir accéder au juge !

- C’est alors seulement que le Tribunal, saisi par les indivisaires « vendeurs », pourra autoriser l’aliénation – ce n’est qu’une simple faculté. Au minimum, quatre mois auront été perdus ! Les indivisaires défendeurs pourront toujours objecter que l’aliénation porte une atteinte excessive à leurs droits et, en toute hypothèse, le nécessaire respect du contradictoire leur permettra d’argumenter pour s’opposer à la vente.

- L’aliénation s’effectue par licitation : or il s’agit souvent de permettre une vente amiable déjà négociée par le ou les indivisaires vendeurs. Pourquoi imposer la lourdeur d’une procédure de licitation ?

- Le produit de la licitation est en quelque sorte affecté au dettes et charges de l’indivision. Les indivisaires ne pourront-ils plus demander une attribution partielle ?

- Enfin, l’autorisation judiciaire sera inopposable à celui à qui l’intention d’aliéner n’aurait pas été régulièrement signifiée, de sorte que l’instauration même de l’étape préalable crée un risque d’affecter la validité de la procédure d’autorisation !


4. On se demandera donc où sont la simplification et l’allègement de la procédure déjà régie par l’article 815-5 ??

Outre les nouvelles contraintes qui pèsent sur le ou les indivisaires vendeurs, le délai pour obtenir l’autorisation judiciaire s’en trouve rallongé, le coût nécessairement alourdi (le notaire sera naturellement rémunéré pour son intervention).

L’introduction de cette formalité notariée entre le justiciable et le juge apparaît donc parfaitement contraire aux objectifs affichés par la loi.


5. Le texte pourrait être jugé « anti constitutionnel » par le biais d’une question préjudicielle au Conseil Constitutionnel, en application de la Loi constitutionnelle du 28 juillet 2008 et de la loi organique (tant attendue !) du 8 avril 2009 !

Les premiers commentaires permettent en effet de penser que l’exception d’inconstitutionnalité portera sur les droits et libertés garantis par la Constitution largement entendus, c'est-à-dire aussi bien, des droits subjectifs (…) que des objectifs constitutionnels (…) ou des droits qui constituent des garanties, comme les exigences relevant de la sécurité juridique. (Bertrand Mathieu : « A propos du projet de loi organique », JCP G n° 18 actualités 214 p. 3)

Les entraves apportées au libre accès au juge pourraient ainsi tomber sous le coup de l’exception d’inconstitutionnalité.

Cet article n'engage que son auteur.

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