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Antennes de téléphonie mobile: les risques pour la santé

Auteur : CHARLES-NEVEU Brigitte
Publié le : 29/04/2009 29 avril avr. 04 2009

Saisi par divers riverains se plaignant du projet d’installation par la société Orange France de 3 antennes relais sur le clocher de l’église de Notre-Dame d’Allençon, le juge des référés du TGI a fait défense à l’opérateur d’implanter lesdites antennes.

Ordonnance de référé du 5 mars 2009 (TGI Angers)... le doute profite aux riverains...1. Saisi par divers riverains se plaignant du projet d’installation par la société ORANGE France de trois antennes relais sur le clocher de l’église de Notre-Dame d’Allençon, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance (TGI) d’ANGERS a fait défense à l’opérateur, sous astreinte de 5000€ par infraction constatée, d’implanter lesdites antennes.

Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.

Le contentieux des antennes de téléphonie mobile illustre en effet une profonde divergence entre les juridictions de l’ordre judiciaire et celle de l’ordre administratif :

Si le Conseil d’Etat, privilégiant l’intérêt général attaché à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile, estime que les risques liés aux ondes électromagnétiques ne reposent pas sur des présomptions suffisantes pour justifier l’opposition aux travaux d‘implantation d’antennes relais de téléphonie mobile (voir notamment C.E.22.08.2002 n° 245623 - 245624), certaines décisions de juridictions du fond de l’ordre judiciaire accueillent les actions engagées par des voisins pour obtenir l’enlèvement ou le déplacement des antennes implantées par les opérateurs de téléphonie mobile.

Ainsi, le 8 juin 2004, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE confirmait-elle un jugement du TGI de GRASSE du 17 juin 2003, qui avait ordonné l’enlèvement sous astreinte d’antennes implantées par la société SFR.

En revanche, le 15 septembre 2008, la même Cour d’Appel infirmait le jugement rendu le 20 mars 2006 par le TGI de TOULON, qui avait ordonné l’enlèvement d’installations de téléphonie mobile par BOUYGUES TELECOM.

Le 18 septembre 2008, c’est le TGI de NANTERRE qui condamnait la société BOUYGUES à retirer sous astreinte un pylône supportant des antennes et allouait en outre des dommages et intérêts aux demandeurs ; ce jugement était confirmé par arrêt de la Cour d’Appel de VERSAILLES le 4 février 2009.

Le 16 février 2009, le TGI de CARPENTRAS condamnait à son tour la société SFR à enlever l’antenne relais. Nous ignorons si ce jugement est définitif.

Ces décisions ont eu, plus que celles qui ont rejeté les demandes de même nature, la faveur de la grande presse.

Elles se sont placées, dans l’ensemble, sur le terrain de la théorie des inconvénients excessifs de voisinage et, sans le dire ou en le disant, se sont appuyées sur le principe de précaution.


L’ordonnance du 5 mars dernier, quant à elle, a été rendue dans le cadre d’une procédure de référé sur le fondement de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.

2. Le juge des référés, comme il y était invité par les requérants, s’est expressément fondé sur le principe de précaution tel que résultant des dispositions de l’article L 110-1 du Code de l’Environnement.

Après avoir relevé les incertitudes relatives à l’innocuité des antennes de téléphonie mobile, le juge d’ANGERS, a estimé que le principe de précaution commande d’ordonner l’interdiction de la mise en œuvre du projet d’ implantation des antennes relais sur le clocher de l’église, ce qui constitue une mesure effective et proportionnée visant à prévenir le risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable.

Puis, rappelant qu’il était saisi sur le fondement de l’article 809 al. 1 du code de procédure civile, il ajoutait qu’il était compétent pour prendre toute mesure de nature à prévenir un dommage imminent, définition qui intègre à l’évidence le risque sanitaire pour les populations riveraines de l’installation projetée.


3. En effet, le juge saisi en référé, ne peut excéder les pouvoirs qui lui sont conférés par le code de procédure civile.

La Cour d’Appel de PARIS, dans un arrêt rendu le 15 mars 2000, sur appel d’une ordonnance de référé, avait ainsi refusé d’interdire l’installation d’une antenne relais de radiotéléphonie au motif que le principe de précaution n’autorise pas le juge des référés à s’affranchir des conditions d’exercice de ses prérogatives.

Dans l’espèce soumise au juge d’ANGERS, celui-ci s’est placé sur le terrain de la prévention du dommage imminent et a considéré que le risque sanitaire est un dommage imminent au sens de l’article 809.

Contrairement au juge du fond qui, saisi sur le terrain de la faute ou de l’inconvénient excessif de voisinage, doit normalement s’assurer de l’existence d’un dommage ou du caractère excessif du trouble allégué, le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 809 alinéa 1 du NCPC peut « prévenir » le dommage, donc user de ses pouvoirs alors même que le dommage n’est pas encore survenu.

Mais le dommage doit être « imminent », ce qui implique à la fois la certitude de sa survenance et sa proximité dans le temps, renvoyant aux règles générales de la responsabilité civile : le dommage réparable doit être certain, direct, personnel et actuel.


4. Certes, la jurisprudence a considérablement assoupli ces exigences.

Ainsi, la prise en compte du dommage futur, pour autant qu’il soit certain, ne fait pas de doute. En revanche, celle du dommage simplement hypothétique n’avait pas pénétré le droit positif.

Certaines décisions ont pu retenir l’existence d’un risque pour entrer en voie de condamnation (les mesures ayant alors incontestablement une vocation préventive), mais dans des hypothèses où la survenance du risque dans un avenir plus ou moins proche était quasi inéluctable, soit par ce que le risque s’était déjà produit dans le passé ou à proximité (Cass. Civ. 2ème 26.09.2002 pourvoi n° 00-18627) soit encore en s’appuyant sur un rapport d’expertise (Cass. Civ. 2ème 17.12.2002 ; Cass. Civ. 2ème 24.02.2005 pourvoi n° 04-10362).
Ainsi, seul un risque « qualifié », peut être retenu pour accueillir une action en responsabilité pour faute ou sans faute (trouble de voisinage).

S’il est constant, par ailleurs, que le dommage doit être apprécié in concreto, c'est-à-dire en prenant en considération les circonstances de lieu et de temps propres au litige, doctrine et jurisprudence s’accordent à ne pas tenir compte de la sensibilité personnelle du plaignant (juris classeur civil fasc. 265-10 n° 32).

Enfin, c’est à celui qui invoque un trouble, a fortiori un trouble résultant d’un risque, d’en faire la preuve, et non à son adversaire de faire la preuve contraire de l’absence de risque, car on ne saurait imposer à quiconque la preuve d’un fait négatif (Philippe Malinvaud, RDI n° 4, avril 2009, page 201).


5. Le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable, a été notamment étendu au domaine de la santé publique.

La valeur constitutionnelle conférée à ce principe par l’effet de son inscription dans le préambule de la Constitution en application de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, le rend en effet directement opposable par tout justiciable.

Le Conseil d’Etat l’a jugé par son arrêt du 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, pour l’ordre administratif. Nul doute que la solution doive s’étendre à l’ordre judiciaire.


Placé au sommet de la hiérarchie interne des normes, et constituant par ailleurs un principe général du droit communautaire, le principe de précaution pourrait bien désormais permettre au juge de tenir compte du risque incertain, voire carrément hypothétique, et d’échapper ainsi à toutes les règles fondant la responsabilité civile.

Ce pourrait être la boîte de Pandore …

Cet article n'engage que son auteur.

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