La rémunération des élus et du personnel politique : état des lieux, quelles réformes ?
Auteur : NEVEU Pascal
Publié le :
28/02/2017
28
février
févr.
02
2017
Le Juge et le Politique Pour lire la première partie de l'article de Pascal NEVEU, sur le Parquet financier et le "délit d'emploi fictif" cliquer ici. II ) La rémunération des élus et du personnel politique : état des lieux, quelles réformes ? Les Français semblent découvrir que la vie politique a un prix, ils ne pouvaient cependant l’ignorer, ou alors faisaient-ils semblant de ne pas le voir ?
Le personnel politique, qui a une tendance naturelle à prendre facilement la parole, devient peu prolixe sur le sujet et se contente souvent de généralités.
Un débat sur la rémunération du personnel politique est pourtant nécessaire, même s’il s’agit d’un sujet difficile et sensible, dans lequel règne surtout l’hypocrisie.
Pour être bien compris, il faut affirmer la nécessité d’avoir un personnel politique de qualité, dans l’intérêt même du pays.
Ce principe ne se discute pas.
Toutefois, il n’est pas interdit d’examiner son coût et de rappeler une règle simple qui veut que la dépense n’a jamais été une fin en soi et qu’elle est malheureusement souvent le signe de la facilité, de l’inconséquence voire de la fraude, et annonciatrice de ruine..
Si l’on veut mieux contrôler la dépense publique, dans le souci même de son efficacité, il est nécessaire que les élus et le personnel politique, qui en sont à l’origine, montrent l’exemple.
Or, sur ce point le chantier est évidemment énorme, car la France est dépensière[1] dans tous les domaines et notamment dans celui qui nous occupe.
Elle ne connait pas, ou ne veut pas connaitre, les vertus qui s’attachent à l’économie, notion souvent perçue comme rétrograde, alors qu’elle est profondément moderne.
On a beau jeu alors, d’accuser la fraude fiscale.
Selon Mme HOULETTE, la fraude fiscale constitue une « transgression considérable du pacte social », ladite condamnation, émanant il est vrai d’une Procureure, est manifestement sans appel, mais elle mériterait d’être un peu plus nuancée.
En effet, le pacte social ne peut être dissocié de toutes ses composantes et notamment, du droit du citoyen de pouvoir s’assurer de lui-même si la contribution publique décidée est bien utilisée conformément à sa destination comme l’édicte la déclaration des Droits de L’Homme (article 14)[2].
Or, l’ingéniosité fiscale française, qui est un marqueur national[3], a atteint lors du dernier quinquennat, un record d’inventivité.
Ainsi, la progression de l’impôt recouvré au titre des redressements est vertigineuse (2013 : 18 M€, 2014 : 19,3 M€, 2015 : 21,2 M€ (il s’agit de Milliards et non de Millions !)) et le nombre de taxes créées a atteint un chiffre inédit[4].
Comme le dit le Procureur de Genève (Olivier JORNOT) à propos de la Suisse, qui apparait bien placé pour s’exprimer sur le sujet : « il y a quelques années, on s’ingéniait à traquer les terroristes et les escrocs, alors que les fraudeurs du fisc étaient les bienvenus ; le processus s’est inversé »
La menace « terroriste » est d’ailleurs clairement identifiée dans le rapport parlementaire (Cf 13 et 26) : il s’agit de lutter contre l’apparition « d’une société d’héritiers » (sic !)
Le Gouvernement fait donc « la poche des Français », pour pouvoir atteindre ses objectifs budgétaires, au lieu de faire des économies.
Il faut ici faire un état des lieux sur la rémunération du personnel politique[5].
La rémunération d’un député est de 7.185,00 € mensuel (brut), il perçoit en sus une indemnité pour ses frais de mission (IRFM) de 5.805,00 € par mois, à laquelle s’ajoute la fameuse enveloppe pour rémunérer ses assistants, soit 9.618,00 € par mois (non imposables au titre de l’IR mais à la CSG CRDS).
Le coût d’un député dépasse allègrement les 20.000 € par mois, encore s’agit-il d’un prix moyen, car il peut augmenter avec la distance de sa résidence, notamment pour les territoires d’outre-mer.
A vrai dire ce n’est pas dans ce montant, qui est toutefois significatif, que le problème se pose, mais plutôt lorsque l’on fait l’addition, car il y a … 577 députés.
On voit donc le coût vertigineux de cette addition mensuelle, pour une représentation qui dure 5 ans.
Les sénateurs reçoivent une rémunération de 7.185,00 €, avec également deux enveloppes, l’une pour frais de mission de 6.073,00 € (avec le même avantage fiscal) et l’autre pour rémunérer les assistants de 7.593,00 € brut par mois.
On voit ainsi qu’un sénateur a un coût voisin, mais légèrement inférieur, à celui d’un député, la différence se fait nettement sur le nombre, car ils sont seulement 348.
Il faut un peu tempérer cette première impression, car leur mandat est plus long (9 ans depuis 2003), et leur longévité plus pérenne car ils craignent moins l’alternance (12,9 ans en moyenne).
Ils compensent aussi (si l’on peut dire) par un régime de retraite très favorable, dont le financement suscite bien des interrogations et qui n’est, pour le moins, pas très clair, puisque une enquête en cours a abouti à plusieurs mises en examen.
Toutefois, la rémunération des députés et sénateurs n’est que la face immergée de l’iceberg.
Il faut y ajouter le coût de tout le personnel politique et notamment de tous les élus locaux, dont les missions se sont, au fil du temps, multipliées à l’infini.
Certes, les élus locaux peuvent avoir des rémunérations beaucoup plus modestes (par exemple 2.717 €, pour un Vice Président de Conseil Départemental, ou encore, 786 €, pour un Maire de petite commune).
Le problème n’est pas là, il est dans leur surpopulation (1880 conseillers régionaux[6], 4108 conseillers départementaux, 36 000 maires, 52 166 conseillers municipaux et encore 80 400 élus intercommunaux…), puisqu’on recense en France 600.000 personnes dans cette catégorie.
De plus, si ces montants peuvent apparaitre modestes, ils sont aussi la plupart du temps multipliés par les postes et missions que ces élus locaux peuvent cumuler.
Ainsi, la représentation politique française (à laquelle il faut encore ajouter 74 Députés Européens) se monte désormais au total à 645 124 élus, soit la population d’une des plus grandes villes française[7].
On évalue à 1,2 milliards d’euros le coût annuel de nos élus locaux.
Cette situation est anachronique, puisque nous avons un élu pour 100 habitants en France, contre un élu pour 500 habitants en Allemagne et même, un élu pour 600 habitants aux États-Unis, dont on ne peut pas dire, pour ces deux derniers pays, qu’ils sont sous administrés[8].
Il est clair en revanche, que la France aujourd’hui est totalement sur-administrée et que la diminution du personnel politique est un objectif prioritaire.
En diminuant les élus, on augmente également la visibilité sur leurs rémunérations et aussi et surtout, sur leur tendance naturelle qui est de dépenser d’avantage et de lever, par voie de conséquence, l’impôt.
L’actualité s’étant focalisée sur les assistants parlementaires, le Président de l’Assemblée Nationale vient de faire paraitre une liste des assistants, qui permet de constater l’ampleur du travail à faire, puisqu’il y a, au bas mot, 2000 assistants parlementaires[9].
Est-ce nécessaire d’avoir une telle armée « mexicaine » ?
Le soupçon des emplois familiaux s’est répandu depuis que l’on a constaté en 2014, que parmi ces assistants, figuraient 52 épouses, 28 fils et 32 filles de député, une proportion qui est trop forte pour être due au simple hasard, d’autant que pour augmenter la confusion, le Président lui-même, avait affirmé ne pas rémunérer son épouse, mais plutôt avoir épousé sa collaboratrice…
Certes, la famille peut fournir d’excellents collaborateurs, qui sont parfois très motivés, mais s’agissant d’emplois publics, la visibilité doit primer.
Le soupçon ne doit pas seulement porter sur la famille, mais aussi sur les emplois de complaisance, sur lesquels il est plus difficile d’avoir une vision claire.
On rappellera, que le Règlement de l’Assemblée Nationale, limite à cinq le nombre d’assistants par député (ce qui semble déjà beaucoup !).
Mais de nombreux parlementaires, toutes tendances confondues, s’affranchissent allègrement de cette règle[10].
Pourquoi cette collaboration pléthorique, si ce n’est pour faire naître le soupçon de l’emploi de complaisance ?
Le plus curieux dans cette liste, c’est qu’un seul député sur 577 n’a qu’un assistant, vous avez deviné lequel[11] !
Aucun contrôle n’est effectué sur le travail réel de l’assistant[12] , mais aussi sur l’employeur lui-même[13].
Mais il n’y a pas que le personnel politique qui est assez réfractaire à tout contrôle : les syndicats[14]., … jusqu’à la Cour de Cassation[15]
Faute de contrôle satisfaisant, la meilleure solution est de réduire le nombre du personnel politique pour favoriser les vérifications et donc la clarté.
En revanche, la tendance à pénaliser toujours et davantage est dangereuse, notamment, lorsque de façon insidieuse, on modifie les prescriptions, car cela crée une instabilité juridique dommageable.
Le droit à l’oubli mérite aussi sa protection.
En conclusion, le changement n’est pas par nature un progrès ; pour qu’il soit préférable à l’immobilisme, il faut qu’il soit porteur d’une amélioration, sinon, il n’est que perturbation ; or celle-ci a été surtout présente au cours des cinq années qui viennent de s’écouler.
On ne peut pénaliser davantage et voir dans chaque français « un fraudeur fiscal » (qui s’ignore[16]), il faut appeler à la raison sur la dépense !
Le Droit Romain traitait de « la prodigalité » comme un délit.
Le Code Civil, lui-même, dans le souci de protéger les majeurs considérait comme une altération de l’esprit « la prodigalité, l’oisiveté et l’intempérance », et ce jusqu’à une date récente[17].
Faut-il envisager d’édicter une peine d’inéligibilité ou d’empêchement pour un élu ou un fonctionnaire qui serait affecté d’une telle altération mentale, dans le souci de protéger les contribuables ?
Il est pourtant des solutions plus simples, même si elles demandent du courage.
Diminuer la dépense publique en commençant par la contrôler, sans oublier de modérer la fiscalité, en commençant par la rendre plus lisible et surtout en cessant de la « bricoler »[18], mais aussi en lui ôtant son caractère confiscatoire.
Ainsi, supprimer la progressivité qui se cumule avec la proportionnalité est un meilleur choix sur le simple plan comptable.[19]
Équilibrer le pacte social pour inciter à le faire respecter, l’incitation plutôt que la sanction.
Plus de travail pour le Politique, moins pour le Juge.
[1] Comme chaque année le dernier rapport de la Cour des Comptes (2017), offre son habituel lot de gaspillages, on notera tout particulièrement, l’écotaxe, qui a coûté 1 Milliard d’euros et a privé la France de 10 milliards de recettes. [2] - Il est vrai que les Pères Fondateurs n’avaient pas imaginé que la contribution publique devienne en fait une véritable redistribution. [3] - Suivant l’indémodable formule de Clémenceau « la France est un pays fertile, on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts » [4] - Cf. Rapport Parlementaire déposé le 08/02/2017, par Mme Sandrine MAZETIER et Mr Jean-Luc WARSMANN, sur la fraude fiscale). [5] On rappellera notamment le traitement mensuel de :
[6] Inchangé, malgré la réduction récente du nombre de régions… [7] Nombre légèrement inférieur à la 2ème Ville de France, MARSEILLE (797 491 habitants), mais loin devant la 3ème LYON (445 274 habitants) [8] Données enquête IFRAP « Passer de 645000 élus à 114000 » Novembre 2016 [9] Publié sur le site de l’Assemblée le 22/02/2017 [10] Le record appartient à Mr François de RUBY, écologiste (MACRON) avec 8 assistants
- Viennent ensuite avec 7 assistants :
- Avec plus « modestement » 6 assistants :
Noëlle BATTISTEL, Henri EMMANUELI, Joachim PUEYO, Valérie RABAUT, Pascal TERRASSE, (PS)
Danielle AUROI (LES VERTS) [11] C’est évidemment François FILLON … [12] On relate dans les couloirs des assemblées, cet exemple ancien où un élu avait rémunéré un assistant qui était en fait son jardinier (n’avait-il pas la main verte ? ou entendait-il au contraire soutenir l’écologie ?) [13] L’absentéisme règne de façon à peu près de façon égale dans les deux assemblées, entre Députés et Sénateurs. [14] Le monde syndical aime lui aussi beaucoup l’obscurité : où est passé le rapport PERRUCHOT ? [15] En effet, une tempête politico-judiciaire vient de s’élever récemment lorsque le Ministère de la Justice a tenté de contrôler les comptes de la plus haute juridiction française, à savoir la Cour de Cassation. Un décret, (sans doute le dernier) du gouvernement VALLS paru en janvier 2017, a étendu ce contrôle de l’exécutif (jusque là limité aux tribunaux et aux cours d’appel), à la Cour de Cassation. Le premier Président et le Procureur de la Cour de Cassation s’en sont émus, rappelant que la juridiction elle-même pratiquait un autocontrôle, qui jusque là faisait consensus et que cette réforme rompait avec une conception de la séparation des pouvoirs, ou plutôt avec l’autonomie des pouvoirs, polémique qui n’est pas sans rappeler celle qui oppose, également, le Parquet Financier et le candidat. [16] La frontière entre « optimisation fiscale » et « fraude fiscale » est très mince et souvent très technique. Les clients qui ont recours à des sociétés offrant ce genre de services, sont en fait, les premières victimes (Ex. France OFFSHORE devant le Tribunal Correctionnel de PARIS, Le parisien du 27/02/2017) [17] La Loi n° 2008-308 du 05/05/2007 a modifié sur ce point l’article 425 du Code Civil [18] Le Président actuel aime la fiscalité et cela se voit [19] Le rendement d’un impôt FLAT TAX est le meilleur
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